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royauté, lorsque celle-ci changea de base, le parti de la haute église et de la noblesse de campagne, le parti tory, suivit la conduite la plus contraire à ses principes. Pendant près de soixante-dix ans qu’il fut dans l’opposition, il prit à l’égard de la royauté des allures méprisantes et tracassières qui démentaient toutes ses anciennes doctrines d’obéissance passive. Pendant soixante-dix ans, l’ancien parti de la prérogative ne cessa de déclamer, au nom de la liberté, contre tout ce qui pouvait agrandir le pouvoir ou rehausser le lustre de la royauté. Je ne sache pas de triomphe plus décisif pour des institutions que de forcer ainsi leurs ennemis naturels à renier en pratique leurs vieux principes, et à s’assimiler les nouveaux en venant leur demander chaque jour leurs armes de combat. De la révolution de 1688 date, pour l’Angleterre, l’application réelle du gouvernement représentatif. Il fut bien entendu, depuis cette époque, que le levier du gouvernement devait avoir son point d’appui dans le pouvoir intermédiaire appelé par la constitution à représenter le pays, et depuis lors, les hommes qui exercèrent le pouvoir ou voulurent s’en emparer furent toujours obligés d’associer au succès de leur ambition les intérêts nationaux assez forts pour prévaloir dans le parlement. Ainsi commencèrent à fonctionner régulièrement ces institutions qui ouvrent aux talens tant d’issues, qui offrent un terrain plus vaste ou plus élevé aux combats qui se livrent partout autour du pouvoir, au petit coucher du roi absolu aussi bien que dans les comices du peuple souverain, mais qui substituent, une fois pour toutes, aux brutales et cruelles violences l’arme pacifique et tout intellectuelle de la discussion : mécanisme ingénieux où s’assouplissent et se régularisent les agitations nécessaires, auparavant pleines de périls et presque toujours ensanglantées, de la vie politique, et dont le jeu normal amène naturellement, sans secousse, à son heure, la victoire des intérêts dont la logique de l’histoire réclame le triomphe.

Les débuts de la monarchie parlementaire, les règnes de Guillaume et d’Anne, manquent à la galerie que nous a donnée M. Macaulay. Ces débuts furent laborieux pour la nouvelle royauté ; Guillaume en eut les plus rudes ennuis : peu de souverains se sont trouvés dans une situation plus pénible. Le parti qui défendait son titre était, par principe, disposé à limiter sa prérogative ; le parti dévoué par principe à la prérogative ne reconnaissait pas son titre ; sa personne et la dignité dont il était investi n’étaient nulle part accueillies ensemble avec faveur. Sous lui, l’Angleterre fit intervenir pour la première fois sa politique nationale dans les affaires de l’Europe. Le parti de