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LES ESSAYISTS ANGLAIS.

ration à l’Edingurgh Review semble avoir été plus assidue au moment même où il faisait partie du gouvernement. La vie politique, en lui apportant cette expérience des hommes et des choses qui hâte la virilité du talent, l’a décidément engagé dans la voie vers laquelle l’inclinait la nature de son esprit. M. Macaulay est né pour écrire l’essai historique. Il a bien fait quelques tentatives dans la critique littéraire ; les volumes que nous avons sous les yeux en reproduisent plusieurs, mais qui sont plutôt remarquables comme morceaux d’histoire littéraire que comme critique proprement dite. Les qualités de grand critique que son collaborateur M. Jeffrey réunit à un degré si élevé, ce calme puissant de pensée, cette logique nerveuse, cette mâle austérité de goût, ne sont pas celles qui distinguent M. Macaulay. D’autres mérites caractérisent son talent. Ce qu’il y a de saillant en lui, c’est une rare promptitude et une exquise netteté de jugement, c’est une sagacité qui va droit au cœur des choses, qui voit d’un coup d’œil toute une époque et en détache d’un trait rapide la vive silhouette. La manière littéraire de M. Macaulay suit avec bonheur les allures de son intelligence. Écrivain de prime-saut, de verve, exubérant, son style est vif, quoique abondant, merveilleusement limpide, quoique chaudement coloré. Il a bien les qualités indispensables à l’essayist historien, pour saisir les points de vue, qui sont tout en histoire, s’il s’agit de faire comprendre dans leur unité et dans leur logique le mouvement des choses, la conduite des hommes, et de mettre dans leur jour ces mouvans tableaux : tabulas bene pictas collocare in bono lumine, comme dit Cicéron.

Si c’est surtout dans l’essai historique qu’excelle M. Macaulay, il faut aussi convenir que peu de sujets historiques pourraient lutter d’intérêt avec ceux qu’il a choisis. Sans plan arrêté d’avance, sans transition, en écrivant un jour à propos de l’Histoire constitutionnelle de M. Hallam, l’autre jour sur la Révolution de 1688 de sir James Mackintosh, en faisant poser devant lui, suivant l’inspiration du moment, Burleigh après John Hampden, W. Temple après Walpole et Chatham, une fois Clive, une autre fois Warren-Hastings, M. Macaulay se trouve avoir réellement parcouru, à quelques lacunes près, la partie la plus importante, la plus riche d’enseignemens de l’histoire d’Angleterre. Remis à leur place chronologique, ces fragmens reproduisent dans leur unité dramatique les trois actes décisifs de la formation des institutions anglaises : la crise violente d’où elles sortent depuis les Tudors jusqu’à la mort de Charles Ier, l’épreuve qui en est essayée avec l’ancienne dynastie restaurée, enfin la pé-