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échangés comme gages d’un consentement mutuel. Les bancs sont ensuite publiés pendant trois semaines, et huit jours avant le mariage, qui doit être célébré dans la paroisse de la jeune fille, le trousseau de la mariée est transporté avec pompe dans la maison qu’elle doit habiter. C’est là une cérémonie à la fois joyeuse et attendrissante dont le spectacle me fut offert sur le chemin qui conduit du village de Selargius à celui de Settimo. Nous venions de quitter Selargius, quand nous aperçûmes de loin une longue file d’hommes et de femmes, quelques-uns à pied, mais le plus grand nombre à cheval ; à la suite venaient de nombreux chariots traînés par des bœufs. Les sons nasillards de la launedda arrivaient déjà jusqu’à nous avec le grincement des essieux et les cris d’une foule animée. Une jeune fille de Settimo devait s’unir dans huit jours à un jeune paysan de Selargius, et le fiancé, accompagné de ses amis, les paranymphes antiques, avait été recevoir des parens de sa future épouse le trousseau et l’ameublement qui composaient une partie de sa dot, et qu’il transportait, avec le cérémonial usité, dans la maison nuptiale.

Par une coïncidence singulière, il n’y avait pas deux ans qu’en Turquie j’avais vu transporter ainsi, sur la grande route qui conduit de Thérapia à Stamboul, le magnifique trousseau de la sultane Atié. Près du Bosphore, le cortége se composait de voitures aux panneaux dorés, traînées par huit chevaux : au fond de ces voitures, on apercevait les odalisques du sérail enveloppées dans leur feredji, et le visage couvert du yacmack ; des eunuques blancs et noirs veillaient à toutes les portières. Après ces voitures, de nombreux chameaux, au pas lent et mesuré, portaient les aiguières et les plats d’or et d’argent, ou les meubles incrustés de nacre et d’ivoire ; puis venaient le sadrazan et les autres ministres, suivis d’arrabas richement décorés auxquels étaient attelés de superbes taureaux d’une blancheur éclatante ; des escadrons de cavalerie équipés à l’européenne contenaient avec peine le peuple émerveillé. Ici, entre Settimo et Selargius, la cérémonie était la même ; il n’y avait de changé que l’échelle de la fête : les riches arrabas étaient remplacés par une douzaine de chariots sur lesquels on avait entassé plusieurs matelas tout neufs, des bois de lit, des chaises ornées de branches de lentisque et d’arbousier. Des tables et des bancs, de grands bahuts de chêne renfermant les robes de la fiancée, suivaient sur d’autres chariots ; une troupe de jeunes garçons et de femmes parés comme aux plus grands jours précédaient ces chars rustiques, portant sur leurs têtes des corbeilles pleines de verres et de porcelaines. Un nombreux cor-