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ordinairement d’une vaste cour où un lit épais de paille et de fange fait fumier. Devant le corps-de-logis, une vigne attache ses sarmens à des traverses de bois qui partent de la façade pour s’appuyer sur de lourds piliers carrés grossièrement maçonnés. La maison, couverte de tuiles rouges, n’est le plus souvent qu’un long rez-de-chaussée composé d’une chambre à coucher et d’une cuisine comprise entre l’étable et l’écurie. Pour ameublement de la chambre d’honneur, quelques chaises, une table, et un vaste lit au sommet duquel il paraît difficile d’arriver sans échelle. Dans une telle retraite, les jours coulent lentement, obscurément, semblables les uns aux autres ; le moindre incident fait époque. La plus importante affaire de la journée, c’est la sieste. Cette jouissance, incomprise dans le Nord, n’appartient qu’à ces climats généreux où le soleil, arrivé au point culminant de sa course glorieuse, verse partout une molle langueur qui provoque au sommeil le troupeau vulgaire et porte au recueillement les natures d’élite. On dîne généralement à une heure en Sardaigne, et le dîner est suivi de la sieste. C’est un moment de bien-être facile que chacun respecte chez les autres et fait respecter chez soi. On s’exposerait à une réception peu amicale, si on se présentait à cette heure à la porte d’une maison italienne.

Une de ces fêtes religieuses qui deviennent pour les populations naïves des jours de réjouissance fut pour nous une occasion unique de voir réunis les plus curieux costumes de l’île. La plupart des paysans portaient des culottes de furesi noir assez semblables à celles des gars de Tredarzec ou de Plimeur en Basse-Bretagne, et par-dessous ces larges culottes, on voyait passer un caleçon de toile laissé ouvert par le bas. Leurs jambes étaient couvertes de borzeghinos, espèce de guêtres de cuir lacées sur le mollet, ou de carzas, guêtres de furesi plus en usage chez les habitans du cap inférieur. Presque tous étaient rasés, et leurs longs cheveux, réunis en tresses étaient rassemblés en paquet sous un bonnet de laine noire, conique comme le bonnet phrygien, et dont la pointe était recourbée sur le côté : par-dessus ce bonnet, un énorme chapeau de toile cirée à larges bords servait à les garantir du soleil. Cette dernière partie de l’habillement était commune à la grande majorité des paysans. Les autres vêtemens différaient davantage, suivant les professions et les localités. Les uns portaient le collettù, justaucorps de cuir tanné, sans manches, très serré, surtout vers les hanches, et formant, en se croisant vers le bas, comme un tablier double qui descendait jusqu’aux genoux. On a cru reconnaître dans ce vêtement le colabium outhorax