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LA SARDAIGNE.

appartenant aux particuliers qui se trouvaient comprises dans cette étendue de terrains appelés vidazzoni, devaient subir la loi commune. Ce ne fut qu’en vertu du décret de 1820, qu’on donna aux propriétaires des terrains libres enclavés dans les vidazzoni la faculté de les clore et de les cultiver à leur gré ; depuis cette époque, les clôtures se sont beaucoup multipliées et sont même devenues quelquefois le prétexte d’empiètemens abusifs. Ne suffirait-il pas de ce seul fait pour prouver quel était encore, il y a quelques années, l’état vraiment primitif des institutions ?

La quantité de bestiaux que possède la Sardaigne est très considérable. Un document officiel, qui date, il est vrai, de plus d’un demi-siècle, portait cette quantité à près de deux millions, sur lesquels on comptait environ soixante-six mille chevaux. Les bœufs sont petits, mais vigoureux et pleins de feu. Dans plusieurs cantons, on les préfère au cheval, même comme monture. Une espèce de cheval particulière à la Sardaigne est de si petite taille, que quelques individus de cette famille lilliputienne ne sont guère plus hauts qu’un gros chien de Terre-Neuve. La race ordinaire est d’origine espagnole, vive, intelligente, sobre, et d’une grande sûreté de jambes. L’ancienne noblesse espagnole estimait ces coursiers naturalisés en Sardaigne à l’égal des plus fiers andaloux. Dans l’intérieur de l’île, les paysans vont rarement à pied. Aussi confians dans leur monture que dans leur propre adresse, rien ne les arrête : ils franchissent au galop les sentiers les plus rudes, et se lancent à corps perdu à travers les ravins et les rochers.

L’âne est aussi très petit en Sardaigne, mais il y rend d’importans services. Il s’y est fait meunier, et remplace très bien les moulins à vent que l’on ne connaît pas dans l’île, et les moulins à eau qu’on n’a pu y établir, parce que les cours d’eau y sont insuffisans. Chaque ménage est obligé de moudre pour sa propre consommation, et il n’y a pas une maison où l’on ne voie dans un coin de l’appartement un de ces petits ânes laborieux tourner d’un pas égal et patient la meule du moulin de famille. Il faut dire à leur honneur qu’il n’y a pas un pays au monde où le pain soit plus blanc qu’en Sardaigne. La quantité de porcs que l’on consomme dans l’île est immense, on en exporte aussi beaucoup en Corse ; mais ce sont les chèvres et les brebis qui composent en Sardaigne les troupeaux les plus considérables. Le nombre de ces animaux a été porté à plus de treize cent mille têtes par le recensement que j’ai déjà cité. L’utilité de ces troupeaux consiste surtout dans les fromages que l’on confectionne avec