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LA SARDAIGNE.

montais a été élevé à la moitié de celui qui frappe les vins étrangers, ce qui équivaut presque à une prohibition ; la culture de la vigne tend donc chaque jour à se restreindre dans l’île. Cependant cette culture conviendrait parfaitement au climat de la Sardaigne et mettrait en valeur des terrains pierreux laissés en friche, parce qu’ils sont impropres à donner d’autres produits.

Une autre culture dont la concurrence continentale tend à arrêter l’extension, c’est celle de l’olivier. Les encouragemens du gouvernement ne lui ont pas manqué. Dès le XVIIe siècle, l’assemblée des états de Sardaigne enjoignit à chaque propriétaire de greffer tous les ans dix oliviers sauvages. Celui qui possédait cinq cents pieds d’oliviers devait en outre établir un moulin à huile. La maison de Savoie de son côté, pendant son séjour dans l’île, accorda par un décret royal des titres de noblesse à tout particulier qui aurait planté et cultivé une quantité déterminée de ces arbres. Au reste, l’olivier sauvage se rencontre partout en Sardaigne : une des provinces les plus incultes de l’île, l’Ogliastra, qui n’a point d’autre port que le golfe peu sûr de Tortoli, a reçu son nom des magnifiques bois d’oliviers qui couvrent ses montagnes, et dont on dédaigne la richesse. L’oranger réussit parfaitement ; dans la vallée de Milis, près d’Oristano, il forme une véritable forêt. On cultive aussi le lin, le mûrier, le coton et le tabac ; mais à part cette dernière culture, qui donne de très beaux résultats dans le nord, les autres articles que je viens de citer ne sont jamais entrés que pour une quantité très insignifiante dans la production générale de l’île.

Des forêts considérables s’étendent sur les versans des hautes montagnes du centre, dans la Barbargia et la Gallura. Là, de vastes plateaux sont couverts de chênes séculaires, de chênes-liéges et de châtaigniers. Les montagnes du littoral sont au contraire dépouillées de toute végétation. La faute en est à la loi, qui autorise les paysans à mettre le feu aux broussailles vers la fin du mois d’août, soit pour se procurer un peu d’herbe fraîche pendant l’automne, soit pour déblayer un terrain destiné à être défriché. Il en résulte que l’incendie gagne souvent les forêts voisines et y cause d’irréparables dommages. J’ai vu quelquefois, de la rade de Saint-Pierre, d’immenses incendies, animés par un vent violent de sud-est, parcourir rapidement toute la crête des montagnes qui s’étendent vers Oristano, et ne laisser derrière eux que la roche nue et quelques tiges noircies restées debout au milieu des cendres. Ces incendies étaient défendus par les anciennes chartes de l’île jusqu’au 8 septembre, et ceux qui