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champs fétides et pestilentiels. Leurs regrets les rendent même souvent injustes envers cette Sardaigne qu’ils traitent peut-être avec trop de dédain et d’amertume. Il est à regretter surtout que ce dégoût, partagé par les Piémontais qui occupent en grande partie les emplois de l’île, soit souvent exprimé sans ménagement et une rudesse qui ne peut manquer de blesser le sentiment national. Et cependant on se sent disposé à excuser l’emportement de ces discours. Peut-on juger de sang-froid cette nouvelle Tauride dont on ne touche point le funeste rivage sans inquiétude ? Tout ne sépare-t-il pas en Sardaigne le peuple acclimaté de celui qui ne saurait jamais l’être ? Il faut bien en convenir, la fusion est impossible entre gens qui ne peuvent respirer le même air

II.

Par quelle raillerie du sort se trouve-t-il qu’une terre si souvent désolée soit d’une merveilleuse fécondité ? Convenablement cultivée, la Sardaigne, à peu près dépeuplée aujourd’hui, pourrait nourrir la population la plus compacte, et s’enrichir par l’exportation de ses produits naturels. Son sol argileux est particulièrement favorable à la culture des céréales. Sous l’empire romain, non-seulement elle alimentait une population trois fois plus nombreuse que de nos jours, puisqu’elle atteignait le chiffre de douze à quinze cent mille ames ; mais elle fournissait une exportation tellement considérable, que, payant ses impôts en froment, le dixième de ses produits suffisait, avec le contingent de la Sicile, pour remplir les greniers de Rome. Aujourd’hui, le tiers environ de la surface de l’île est occupé par les étangs, les marais, les salines, et par les terres arides et sablonneuses impropres à la culture. Les forêts et les pâturages en comprennent à peu près autant ; le reste du sol, c’est-à-dire une superficie évaluée à sept cent quatre-vingt dix-sept mille hectares, est cultivé en vignes, oliviers, vergers et jardins. Près de quatre cent mille hectares sont consacrés à la culture du blé, qui, malgré l’imperfection des procédés agricoles, donne communément un produit de sept ou huit pour un.

Les vins sardes sont généralement capiteux ; ils se conservent bien et devraient former un des articles les plus avantageux du commerce d’exportation ; mais aucun marché ne leur est ouvert. Le droit d’introduction auquel ils sont soumis à leur entrée dans les états pié-