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LA SARDAIGNE.

C’était le sud-est, le sirocco, qui commençait, accompagné de grains de pluie qui se succédèrent sans interruption. Vers midi, il abandonna la partie, et fut remplacé par le libeccio ou sud-ouest, qui souffla plus violemment et plus constamment. Ce n’était rien encore. Pendant la seconde nuit, le mistral vint chasser tous ces vents qui se combattaient. Le fougueux aquilon parla réellement en maître. La maison semblait tressaillir, on eût dit qu’elle allait s’écrouler. Le mistral continua ainsi, toujours pluvieux, toujours renforcé par des grains plus terribles les uns que les autres. Un instant, dans la journée, il parut s’apaiser : c’était pour reprendre bientôt avec une nouvelle furie, dont nous avions à peine l’idée. Armé d’un petit marteau géologique, je courais partout, assurant les portes et les fenêtres ; les clous ébranlés cédaient et s’arrachaient. Nous voyions pleuvoir les débris du plafond. Ce n’était pas un coup de vent, c’était un terre-moto, comme disait notre digne hôte, tremblant pour son village menacé d’être emporté tout d’une pièce à la mer.

Plus tard, quand les chaleurs de juillet et d’août succédèrent à la température plus modérée du mois de juin, il y eut pour nos marins des journées où l’ardeur du soleil devint vraiment insupportable : c’étaient celles où régnait ce calme lourd qui précède le vent venu d’Afrique, plumbeus Auster. Elles étaient annoncées dès le matin par la sécheresse de l’atmosphère, la netteté avec laquelle les contours des montagnes, dégagés de toute vapeur, s’accusaient dans le ciel, les teintes pâles du lever du soleil, et quelques nuages maigres et effilés répandus vers l’est. Le calme durait souvent jusqu’au soir ; le lendemain, la mer était unie comme un miroir et sans aucune vibration à la surface. Le soleil, qui produisait un capricieux mirage, avait toute l’intensité d’un soleil tropical. Vers le soir, il se couchait au milieu d’une bande de vapeurs que les pêcheurs du pays appelaient la cargadura del sirocco. Le vent du sud-est, qui suivait de près ces chaleurs insolites, durait deux ou trois jours : le troisième jour, presque infailliblement, le nord-ouest, ce maître inquiet de la Méditerranée, ripostait avec une subite violence. Il parcourait aussi sa carrière de trois jours, et quelques belles journées de brises solaires nous étaient alors acquises.

Ces soudaines variations ne peuvent manquer d’exercer une fâcheuse influence sur l’état sanitaire de la Sardaigne ; mais elles ne sauraient suffire à expliquer l’insalubrité du pays. Au moyen-âge, Dante confondait dans la même fosse les fièvres de la Sardaigne et celles des maremmes. Il y a en effet de grands rapports entre les