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LA SARDAIGNE.

Espagnols qui l’ont gâtée, se présente aujourd’hui grossièrement revêtue de plaques de marbre d’un effet assez médiocre. L’université est un monument d’une architecture simple qui ne manque pas de grandeur toutefois, ses principaux titres à l’attention du voyageur sont un musée et une bibliothèque de dix-sept mille volumes où dominent, comme d’ordinaire, la vieille jurisprudence et la théologie, plus vieillie encore.

Le principal attrait du musée consiste dans une collection d’antiquités phéniciennes et carthaginoises. Plusieurs sarcophages et bas-reliefs y ont été apportés des diverses parties de la Sardaigne. On y a réuni tout ce qu’on a pu recueillir des antiquités de l’île : de petites figurines de bronze, retrouvées dans l’Ogliastra, qui ont été reconnues pour des idoles phéniciennes, et dont quelques-unes présentent le grotesque et curieux emblème d’une hideuse trinité ; une armure presque complète, provenant des fouilles faites à Saint-Antioche ; de lourdes épées, des boucliers, des socs de charrue, des clés, des serrures, mille objets en bronze, pour lesquels on ignorait encore l’emploi du fer. À tout cela joignez des congés romains gravés sur d’étroites plaques d’airain, de nombreuses inscriptions phéniciennes, grecques et latines, des talismans juifs ou arabes, des médailles et des monnaies de tous les âges, de petites statuettes délicieuses, et enfin des vases romains en verre, remarquables par leurs nuances nacrées, et vous aurez une idée des richesses du musée d’antiquités de Cagliari.

En résumé, la capitale de la Sardaigne gagne peu à être vue de près. Les rues sont pavées d’un cailloutis qui n’a son pareil qu’à Lyon. Ce pavé de galets, avec les rampes qu’il faut gravir pour arriver jusqu’au château, invite peu à parcourir la ville et prédispose le voyageur aux injustes préventions. Quoique mal bâties pour la plupart, les maisons ne manquent pas d’une certaine apparence. De larges balcons de fer capricieusement contournés en corbeilles et d’un effet pittoresque rappellent, avec plus d’élégance encore, les miradors de Cadix ; mais qu’il est regrettable qu’on ne trouve pas également à Cagliari la propreté du midi de l’Espagne ! Hélas ! dès qu’on pénètre dans une de ces vastes maisons, sous ces arceaux mauresques que supportent de massifs escaliers de pierre, il est rare qu’on ne rencontre pas, au pied même de l’escalier, un bourbier infect qu’on y laisse accumuler pendant plusieurs jours. Cette négligence n’est pas générale, je m’empresse de le reconnaître, mais