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SAINT-GILES.

du désespoir ou de la corruption en ouvrant un lieu public où les gens qui seraient sans asile auraient la certitude de trouver, ne fût-ce qu’une fois dans l’année, un abri et du pain ! Pour le moment, les habitans de Londres semblent vouloir prendre les devans sur ceux de Paris. Le Times a fait tant de bruit des scènes de Hyde-Park que l’opinion publique s’est émue à la fois de honte et de compassion. Un comité se forme pour établir un asile de nuit dans les quartiers de l’ouest ; mais il en faudrait encore un au nord, un au centre, un à l’est et un au sud de l’autre côté de la Tamise, pour répondre aux nécessités qui viennent de se révéler.

Les commissaires qui président en Angleterre à l’administration des secours publics (poor law commissionners) reconnaissent, dans leur dernier rapport[1], que la loi n’est pas ce qu’elle devrait être, et qu’elle ne donne ni le moyen de venir suffisamment en aide aux infortunes accidentelles, ni celui d’atteindre les imposteurs qui exploitent les sentimens bienfaisans du pays. En effet, c’est peu d’accueillir pour une nuit dans la maison de charité les indigens ou les vagabonds qui se rendent à Londres de toutes les parties de l’Angleterre, et pour avoir le droit de leur refuser un asile permanent, il faudrait les aider à regagner leur contrée natale et à retrouver la chance de vivre en travaillant. On a déjà réformé la loi des pauvres dans l’intérêt des contribuables, à qui l’on a fait ainsi remise d’une partie de l’impôt qu’ils acquittaient ; il reste à porter maintenant la prévoyance sociale de l’autre côté, et à laisser tomber les miettes de la table du riche sur Lazare affamé.

La législation anglaise punit avec une grande sévérité la mendicité ainsi que le vagabondage. « Toute personne, dit l’acte de la cinquième année de George IV, qui vague dehors ou qui se tient dans les rues, sur les places publiques, sur les grands chemins, dans les passages, ou dans les cours, pour demander ou pour recevoir l’aumône, peut être, sur la déposition d’un seul témoin, condamnée au travail forcé dans une maison de correction, pour un temps qui n’excédera pas un mois. » On reconnaît bien là l’horreur qu’éprouve une société riche et policée pour le spectacle de la misère ; mais réprimer la mendicité comme délit, et ne pas la laisser en même

  1. « Il nous paraît que le système des secours à donner dans la métropole aux indigens de passage et aux personnes appelées communément vagabonds demande à être placé sur un pied un peu différent de ce qu’il est aujourd’hui, soit quant à l’assistance que méritent ceux qui sont réellement malheureux, soit dans le but de décourager les imposteurs capables de travail. » (Eigth annual Report, p. 25.)