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SAINT-GILES.

à leur dégradation, ils se rejettent sur la Cité, où ils savent qu’on les traitera avec humanité, et que, s’ils sont malades, on les enverra à l’hôpital. La Cité devient ainsi l’asile de tous les vagabonds de l’Angleterre.

Les magistrats les envoient encore par centaines en prison, pour avoir mendié ou pour avoir cassé des réverbères et des carreaux de vitres. Là, ils ont un travail moins rude et un régime plus substantiel que dans la plupart des maisons de charité ; mais, à leur sortie, n’ayant ni asile ni papiers, que vont-ils devenir ? Ils sont prêts à retomber dans les mêmes délits ; ils vont de la prison à la maison de charité, et de la maison de charité à la prison, jusqu’à ce que la maladie et la mort mettent un terme à leurs souffrances. C’est le sort du plus grand nombre, sinon de tous. Qui se souvient d’avoir jamais vu dans les rues de Londres autant de malheureux à demi nus ? »

Il arrive souvent que ces pauvres gens n’ont pas même l’alternative dont parle M. Thwaites, et qu’ils sont réduits de prime-abord à partager le pain des criminels. Le quartier que l’on destine, dans chaque maison de charité, à recevoir les indigens forains se trouvant presque toujours rempli de bonne heure, les derniers venus n’ont pas d’autre ressource que celle de frapper à la porte de la prison. Que deviennent ceux qui, par respect pour eux-mêmes, ne peuvent pas se résoudre à prendre ce parti désespéré ? C’est ce que l’on verra dans le récit suivant, emprunté à l’Examiner du 14 octobre 1843.

« Les gardiens du parc et les agens de la police ont conduit, ces jours derniers, au bureau de Marlborough-Street, plusieurs jeunes filles qu’ils avaient trouvées endormies sous les arbres de Hyde-Park et dans les jardins de Kensington. Ces malheureuses étaient toutes, sans exception, dans la plus effroyable misère, et tellement infectées d’une maladie honteuse, que le magistrat qui siégeait crut faire acte d’humanité en les envoyant en prison, où elles auraient un asile et où elles recevraient l’assistance des hommes de l’art. Il paraît, d’après la déclaration des gardes, que cinquante personnes environ des deux sexes et de tout âge n’ont pas, depuis plusieurs mois, d’autre abri pendant la nuit que celui que leur offrent les arbres du Parc et les trous pratiqués dans les talus. La plupart sont des jeunes filles de quatorze à dix-sept ans, que des soldats ont amenées de la province, qu’ils ont débauchées et qu’ils ont ensuite abandonnées à leur horrible destin. Ces infortunées créatures se voient ainsi, dès leur première jeunesse, rejetées complètement hors de la société, et vivent