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crivain, le charme d’un substantiel entretien avec une vigoureuse intelligence. Voir vivre ce puissant mortel dans les faiblesses de passions en même temps que dans l’énergie de sa pensée, l’entendre parler dans ses écrits demeurés deux siècles presque inconnus au monde, juger enfin son œuvre d’équilibre européen au moment même où cette œuvre tend à disparaître, c’est un sérieux plaisir d’esprit que nous avons goûté dans toute sa plénitude, et que d’autres aimeront peut-être à prendre avec nous.

On sait que le jeune Duplessis, né en 1585 d’une bonne, mais pauvre maison du Poitou, n’embrassa la carrière ecclésiastique que pour empêcher l’évêché de Luçon de sortir de sa famille. Il avait porté l’épée jusqu’au jour où Alphonse, l’un de ses frères, eut abandonné cette dignité pour se confiner dans un cloître. Quelques études théologiques suffirent pour préparer au sacerdoce et à l’épiscopat un jeune homme bien né qui, selon les idées du temps, accomplissait un devoir en maintenant dans une noble maison sans fortune un établissement lucratif. L’église, dominée par son association intime avec l’ordre politique, en subissait les conséquences au détriment de sa discipline. Âgé de moins de vingt-deux ans, Jean Duplessis fut pourvu à Rome même de l’évêché vacant. Siri, répété par Levassor et par tous les écrivains hostiles au cardinal, assure qu’il trompa Paul V sur son âge véritable, et qu’en apprenant la vérité, le bon pape loua fort l’esprit et l’adresse du jeune prélat dont il prédit la haute fortune.

De retour en France, Richelieu parut prendre au sérieux les devoirs de son état. Il se remit à l’étude de la théologie, et l’on ne saurait lire ses écrits, même politiques, sans y trouver l’empreinte de ces formules didactiques, de cette argumentation rigoureuse qui allait si bien à la trempe ferme et nette de son esprit. Quelques années passées dans son évêché, où il se livra à la controverse contre les réformes, quelques carêmes prêchés à Paris avec un assez grand succès, remplissent cette première période de jeunesse et d’obscurité. Marie de Médicis écouta avec plaisir le prélat, qu’une figure régulière et animée, une attitude parfaitement noble, firent d’abord remarquer à la cour. Il s’attacha à cette princesse, à laquelle il parvint à se faire recommander par le maréchal d’Ancre, alors dans la plénitude de sa puissance. Député aux états-généraux de 1614 par les sénéchaussées de Fontenay et de Niort, il se jeta avec chaleur dans le parti de la reine, et exerça une influence notable sur la rédaction des cahiers du clergé. Il s’y prononça vivement pour l’union avec