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soins de quelques créatures des princes, invita les ducs et pairs à venir prendre leurs siéges pour délibérer sur les maux du royaume et sur les remontrances qu’il serait estimé convenable d’adresser au roi. En se substituant ainsi aux états-généraux à peine dissous, le parlement préludait à la fronde ; il allait donner la mesure de ses constantes prétentions et celle de son impuissance non moins constante. Réclamer une part du pouvoir législatif en vertu d’un titre plus que contestable était un acte de hardiesse que la confusion des droits et des idées pouvait peut-être autoriser ; mais subordonner toujours son action au jeu de quelques intrigues, se faire factieux à la suite, sans soupçonner même un rôle plus large d’organisation et de liberté, c’était préluder tristement à cette longue histoire trop glorifiée, toute tissue de violences et de faiblesses, de velléités ambitieuses et de déplorables timidités, qui, à travers les orages de deux minorités et le prologue d’une grande révolution, est venue finir dans les déclamations de d’Esprémesnil.

Il suffit au jeune roi de dénier énergiquement, par l’organe du chancelier Sillery, le droit des compagnies judiciaires de son royaume de se mêler des affaires d’état, sans y être provoquées par la couronne, pour faire tomber cette bruyante opposition de paroles qui, du banc des enquêtes, n’était pas encore descendue dans les halles de Paris. Ayant ainsi triomphé de toutes les résistances régulières et légales, si une telle expression est de mise pour une époque d’universelle confusion, Marie de Médicis et le maréchal d’Ancre n’hésitèrent pas à accomplir les deux mariages qui devaient assurer à la monarchie vacillante le précieux appui de la royauté castillane. Le jeune roi, escorté d’une armée, partit de sa capitale pour aller, à travers des provinces plus d’à moitié soulevées, recevoir la reine-infante à l’extrémité du royaume, et conduire sa sœur aux frontières d’Espagne. Ayant de nouveau protesté contre l’alliance espagnole, et refusé de suivre la cour, les princes estimèrent le moment favorable pour s’établir à Paris et pour s’emparer de la personne du roi. Les circonstances semblaient en effet des plus propices, car, sous prétexte de la violation de quelques priviléges, les réformés avaient pris les armes dans le Poitou, le Dauphiné et le Languedoc. Une assemblée générale des églises protestantes convoquée à Grenoble aux termes des édits, s’était transférée à Nîmes de sa pleine autorité, malgré les défenses formelles de la cour. Passant de son rôle de prosélytisme à une pensée purement politique, le protestantisme, par l’organe de ses délégués, exigeait, comme condition de sa fidélité au