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avec les mécontens. Les princes avaient compté sur cet instant de crise pour briser les hommes de la régence et s’imposer à la jeunesse du monarque émancipé ; mais le gouvernement du maréchal d’Ancre déploya dans cette difficile conjoncture une habileté qu’il faut reconnaître, et parvint à puiser quelque force dans le jeu du formidable instrument que ses ennemis les contraignaient à employer. Ayant profité de la résistance du duc de Vendôme pour faire faire au jeune roi un voyage en Bretagne, la régence avait gagné quelques semaines, et ce délai précieux mit Louis XIII, entré depuis peu de jours dans tous les droits de sa majorité, en mesure d’établir, avant la réunion des trois ordres, un conseil privé au gré de la reine, et de déclarer avec solennité aux états rassemblés que, pleinement satisfait de l’administration de sa mère, il avait résolu de lui continuer toute son autorité.

La cour mit un grand soin à diviser l’assemblée, et elle y réussit presque toujours au-delà de ses espérances. Il n’y avait à cette époque aucune idée de réforme politique assez universellement acceptée par l’opinion tout entière pour servir de base à une agression sérieuse contre le pouvoir. Les vues étaient distinctes comme les existences elles-mêmes, et il ne s’agissait que de faire surgir une incompatibilité d’intérêts entre le tiers, la noblesse et le clergé, pour paralyser toutes les combinaisons et toutes les tentatives. Ainsi la noblesse, moins intéressée que la bourgeoisie dans la vénalité des magistratures, proposa vainement la suppression de la paulette, droit établi dans le cours du règne précédent pour assurer les charges à la veuve et aux héritiers de celui qui en serait revêtu, sous condition d’un droit de paiement annuel évalué au soixantième du prix de l’office[1]. Le tiers mit tous ses soins à écarter une réforme qui aurait atteint les intérêts financiers et la position de la plupart des représentans de cet ordre, membres de cours souveraines ou de siéges présidiaux, propriétaires de nombreux offices transmissibles. Les bourgeois, pour faire pièce aux nobles, et pour ne pas paraître reculer dans la voie des réformes et redressemens, proposèrent, de leur côté, la suppression des pensions payées par le trésor au détriment du pauvre peuple, pensions qui formaient la principale ressource de l’aristocratie de cour, en même temps qu’elles étaient le

  1. Le peuple donna le nom de paulette au nouveau droit, parce que le traitant s’appelait Paulet. Voyez Levassor, Histoire de Louis XIII, liv. VI, et Mézerai, année 1604.