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caines pour les comparer à notre propre organisation politique. Le docteur Joseph Story, juge à la cour suprême des États-Unis, professeur et doyen de l’université de Harvard, a fait pour le droit politique américain ce que William Blackstone a fait pour les lois anglaises. Le jurisconsulte américain a divisé son livre en trois grandes parties. La première contient une esquisse de l’histoire constitutionnelle et de la jurisprudence des colonies antérieure à la révolution ; la seconde embrasse l’histoire de chaque état pendant la révolution ; enfin la troisième présente l’histoire de l’origine et de l’adoption de la constitution actuelle, avec l’explication doctrinale de son texte, avec l’examen des motifs sur lesquels sont fondées ses dispositions et des objections qui ont été faites. Le traducteur, M. Paul Odent, nous apprend que les commentaires de Story sur la constitution, toujours d’accord avec les décisions du grand juge Marshall, sont devenus le guide de tous les jurisconsultes américains. Sans avoir en France cette importance pratique, l’ouvrage de Story sera pour nous une systématisation précieuse qui nous permettra d’embrasser d’un œil sûr l’ensemble des institutions américaines. L’auteur de la Démocratie en Amérique s’est souvent appuyé de Story, surtout dans la première partie de son travail. M. de Tocqueville a eu l’avantage de trouver dans le commentaire du Blackstone américain un tableau complet de la légalité des États-Unis. Story donne une grande place dans son travail à l’appréciation des pouvoirs du congrès. On reconnaît à son insistance que c’est là pour les États-Unis la question vitale. Quand il arrive à s’exprimer sur la nature de la constitution fédérale, Story refuse d’y voir une transaction entre divers états ; il y reconnaît une loi permanente, obligatoire, émanant de la volonté générale du peuple entier de l’Amérique. Au surplus, il ne perd jamais de vue l’harmonie nécessaire du gouvernement central avec les pouvoirs des états de l’Union. Jusqu’à présent, l’expérience nous a démontré, dit-il quelque part, combien les états sont heureux et libres sous l’action bienfaisante de la constitution. Le jurisconsulte américain a foi dans l’avenir de son pays, s’il continue d’exécuter fidèlement la foi fédérale, qui ne compte encore que cinquante ans d’existence. M. Paul Odent, qui a eu soin d’ajouter à sa traduction des notes, des observations, des citations intéressantes, ne pouvait mieux commencer que par le commentaire de Story ses publications sur le droit public des états modernes. Il annonce une autre série qui contiendra le droit public de la confédération germanique d’après Eichhorn, Klüber et Pœlitz. Il ne s’agira plus ici d’une simple traduction, car il sera nécessaire de coordonner d’une manière claire et méthodique d’innombrables matériaux. Nous engageons M. Paul Odent à ne rien négliger pour réussir dans ce travail, dont la difficulté égale l’importance.


V. de Mars.