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être plus favorable à leurs desseins respectifs. L’influence extérieure avait naturellement plus de prise sur un roi presque enfant et sur une cour besogneuse qu’elle n’en aurait eu sur des assemblées délibérantes. La France et l’Angleterre oublièrent trop que tout ce qui tendrait à développer la nationalité grecque ne pouvait qu’être favorable aux intérêts des puissances constitutionnelles de l’Occident, et, par la même raison, contraire aux projets secrets de la Russie. C’était là le lien qui devait rattacher l’une à l’autre la France et l’Angleterre, car la Russie avait tout à gagner à leur rivalité. Par malheur, aucun des trois partis ne songeait à réclamer la constitution tant de fois promise et si long-temps différée que lorsqu’il n’avait plus la prépondérance, et celui des trois qui avait momentanément la haute main dans la direction des affaires trouvait naturellement qu’une constitution était une chimère.

C’est ce qui explique la part qui est attribuée aux manœuvres du cabinet de Saint-Pétersbourg dans le dernier mouvement. Tant que la Russie avait disposé en Grèce d’une influence exclusive, comme sous le gouvernement de M. Capo-d’Istrias, elle avait été plus royaliste que le roi ; quand elle vit le pouvoir lui échapper, comme dans ces dernières années, elle se fit plus nationale que la nation. Ses émissaires travaillèrent le peuple en tout sens, et exploitèrent sans relâche les antipathies dont l’entourage du roi était l’objet. La Russie avait d’ailleurs le plus puissant moyen d’action dans la religion ; c’était par là qu’elle avait le plus de prise, et elle inondait la Grèce de prédications soit par des brochures, soit par la presse de Constantinople, dont elle disposait. Il y a deux ans, elle ne s’était jointe qu’après une longue résistance aux représentations modérées que les cours de France et d’Angleterre voulaient adresser au gouvernement du roi Othon. Elle voulait la constitution, et rien que la constitution. M. Guizot, sur les avis toujours prudens de M. de Metternich, penchait alors pour l’établissement d’un sénat ; il est probable que ce projet fut remis en avant dans les dernières conférences qui ont eu lieu sur les affaires de la Grèce, car tout récemment les journaux d’Orient dévoués à la Russie le dénonçaient avec la plus grande violence.

C’était surtout contre le roi Othon qu’étaient dirigés tous les efforts du parti russe. La camarilla était incessamment signalée à la haine et à la jalousie du peuple. Quelque temps avant la dernière révolution, une brochure publiée à Constantinople avait été répandue à profusion parmi les Grecs. Elle avait pour titre : La Providence veille toujours sur la Grèce. On y demandait le renvoi des étrangers, une constitution libérale, et enfin un roi d’origine hellénique et de religion grecque. La Servie, la Moldavie et la Valachie, y disait-on, bien qu’elles ne fussent pas des principautés souveraines, étaient cependant gouvernées par des princes de leur religion et de leur nation. Il existait encore, dans différentes contrées de l’Europe, des descendans de la famille impériale byzantine ; c’était l’un d’eux qu’il fallait choisir pour roi de la Grèce. Dans d’autres écrits, le parti russe excitait contre le roi les préjugés religieux. C’est ainsi qu’il répandait le bruit qu’après avoir