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REVUE. — CHRONIQUE.

comme prince, ce qui serait accepter d’une manière personnelle l’état de choses établi en France ; il aime mieux l’éviter.

Quoiqu’il s’agisse de princes, tous ces manéges, plus ingénieux que grands, n’ont rien qui puisse intéresser vivement le public. Nous ne trouvons pas non plus que la mauvaise humeur que quelques journaux allemands ont montrée du voyage que la reine d’Angleterre a fait à Eu soit bien noble et bien digne. La reine Victoria aurait bien fait, disent ces journaux, de se souvenir de la visite que le roi de Prusse lui a faite à Londres, au moment du baptême du prince de Galles, et elle aurait dû rendre à Berlin la visite reçue, avant d’en faire une à Eu. On espère même que, l’année prochaine, la reine viendra, sur son beau yacht, jusqu’à Cologne rendre hommage au Rhin allemand, et que là elle sera reçue sur la terre prussienne par le roi de Prusse. Les choses qui touchent aux souverains ont aussi, comme on le voit, quelque arrière-goût de commérage. C’est l’effet de la saison. Tout le monde est en villégiature, et les médisances de châteaux remplacent les débats des chambres.

Pour nous faire prendre patience sans doute jusqu’à l’ouverture des débats parlementaires, nous avons les séances du conseil municipal d’Angers. Là, on joue à qui mieux mieux au gouvernement représentatif. Le conseil municipal refuse au maire son concours, comme la chambre des députés de 1830 refusait son concours au ministère nommé par Charles X, et un légitimiste, M. Freslon, membre de ce conseil municipal, trouve que cela se ressemble si bien, qu’il triomphe de cette revanche que le conseil municipal d’Angers, en 1843, prend sur la chambre libérale de 1830, la battant par ses propres armes et la convainquant par ses propres argumens. Nous espérons que cette terrible expiation imposée à la révolution de juillet vaudra au moins à cette révolution le pardon de M. Freslon. Elle n’y peut pas gagner moins.

Nous devons parler plus sérieusement, non plus des querelles qui s’élèvent entre le clergé et l’université (la question a fait un pas), mais des querelles ou des dissentimens qui s’élèvent entre les membres du clergé. M. l’archevêque de Paris avait, comme on sait, blâmé et désavoué le pamphlet intitulé : le Monopole universitaire. Ce blâme et ce désaveu ont excité la bile de M. l’évêque de Chartres, qui a fait fort aigrement la leçon à M. l’archevêque de Paris, lui reprochant de prendre des airs de chef et de patriarche.

Nous avons pu croire pendant quelque temps qu’il n’y avait que la queue du parti ecclésiastique qui prenait fait et cause pour ce triste pamphlet ; mais voici M. l’évêque de Chartres qui l’érige en évangile de vérité : où en sommes-nous ? Et ce qui nous frappe en tout ceci, ce n’est pas seulement l’incurable aveuglement des exaltés du parti ecclésiastique ; ce qui nous frappe surtout, nous le disons avec une profonde tristesse, c’est que le clergé devient un parti. Il en prend les déplorables allures, nous voulons dire, l’esprit d’indiscipline et de discussion, la domination des exaltés, l’ascendant de la queue sur la tête et de la passion fanatique sur le zèle prudent et mo-