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rité qui fait l’honneur de la nôtre, il faudrait un soin minutieux et assidu que personne n’a pu prendre jusqu’ici, au milieu des agitations qui ont troublé le pays ; il faudrait un pouvoir fort, qui eût la certitude de se faire obéir, et qui ne permît plus à personne de compter sur l’impunité ; il faudrait enfin une autorité supérieure qui donnât l’exemple de l’intégrité, je dirais presque de la rigidité poussée à l’excès : il n’y a que l’excès dans le bien qui puisse détruire l’excès dans le mal.

Le jour où tout cela se trouvera en Espagne, ce jour-là l’Espagne aura des finances. Il ne faut pas qu’elle espère s’en créer autrement, de même qu’il ne faut pas qu’elle désespère d’en avoir par ce moyen. Le temps des illusions est passé, on ne croit plus aux secrets extraordinaires de M. Mendizabal pour transformer, du jour au lendemain, la misère en opulence ; il n’y a pas d’autre secret pour battre monnaie, que l’économie, la surveillance, la stricte probité. Ce secret est seul infaillible, il vaut mieux que toutes les inventions des faiseurs d’affaires ; il n’enrichit personne que l’état, mais il enrichit l’état. Quand une fois le recouvrement des contributions sera assuré, quand les recettes du trésor seront assises sur une bonne base, on pourra se livrer à des combinaisons financières qui augmentent la richesse publique, pas avant. Ce qui est un moyen de progrès dans un pays organisé est un instrument de ruine dans un pays qui ne l’est pas.

L’Espagne a sans doute une grande charge, c’est sa dette ; mais toutes les nations de l’Europe ont une dette aussi, et elles en paient l’intérêt. Après les banqueroutes successives que l’Espagne a faites, le chiffre des intérêts qu’elle a à payer par an est réduit à 75 millions environ. En France, le service de la dette, amortissement compris, absorbe tous les ans 250 millions, et en Angleterre, le seul service des intérêts, sans amortissement, dépasse 700 millions de francs. On ne voit pourtant pas que les deux pays se refusent à payer leur dette, sous prétexte qu’elle est trop lourde. Il y a plus : le royaume de Naples, dont la population égale tout au plus la moitié de celle de l’Espagne, a tous les ans pour 20 millions d’intérêts à payer, et il les acquitte ; nous ne voyons pas pourquoi l’Espagne n’en ferait pas autant.

Ce serait nouveau sans doute, ce serait inattendu ; ce ne serait pas impossible ; il n’y a rien d’impossible dans ce genre à un peuple de quatorze à quinze millions d’ames qui habite un des plus riches pays du monde. Ce n’est pas là pour l’Espagne une petite question ;