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SITUATION DE L’ESPAGNE.

la politique anglaise en Espagne. C’est lord Clarendon, autrefois M. Villiers, ancien ambassadeur d’Angleterre à Madrid. Lord CIarendon a commencé en Espagne la politique d’antagonisme que son ami, lord Palmerston, a transportée depuis sur un plus grand théâtre. Comme lord Palmerston, il a eu d’abord un succès momentané qui a été bientôt suivi d’un déboire. Ces deux hommes se sont associés pour diriger ensemble la politique extérieure des whigs, et c’est un grand malheur pour les whigs. L’Angleterre, qui voit tout ce que ces esprits tracassiers lui ont rapporté, s’éloigne tous les jours de plus en plus de leur système guerroyant ; et pendant que les whigs désertent la vieille politique qui a fait l’honneur de leur parti, les tories s’en emparent. Ce sont aujourd’hui les tories qui, dans la question d’Espagne comme dans toutes les questions, arborent le drapeau de la paix et de l’alliance avec la France.

Si l’on en croit les bruits répandus dans le monde diplomatique, l’entrevue d’Eu aura de grandes conséquences pour la question d’Espagne principalement. Depuis long-temps, dit-on, les ministres tories étaient embarrassés de l’attitude belligérante que leur avait léguée à Madrid le dernier cabinet. Ils supportaient impatiemment M. Aston, le continuateur des idées et des procédés de lord Clarendon ; mais tant que la conduite de leur ministre en Espagne avait été accompagnée d’une apparence de succès, ils n’avaient pas pu le rappeler. L’opinion publique le soutenait d’ailleurs, et, quelque puissant que soit un ministère anglais, il ne s’engage pas volontiers dans une lutte avec l’opinion publique. Depuis quelques mois, les choses ont pris une autre face. La catastrophe d’Espartero est arrivée, qui a ôté à M. Aston tout son prestige, et il a été rappelé immédiatement. On ne sait pas encore qui le remplacera, mais à coup sûr, dit-on, ce ne sera pas un représentant de la même pensée ; les bases d’une politique plus intelligente auraient été jetées pendant le court séjour de la reine d’Angleterre chez le roi des Français.

Rien n’était plus gratuit en effet que la guerre aveugle faite par l’Angleterre à la France en Espagne. Quel pouvait en être le but ? Sans doute l’Angleterre ne prétend pas empêcher que la France soit la seule voisine continentale de l’Espagne ; ces quatre-vingts lieues de frontières communes, ces côtes qui se touchent et se prolongent l’une par l’autre, cette conformité de langue, d’origine, d’histoire, de mœurs et d’intérêts dans les populations limitrophes des deux pays, sont des choses que les plus habiles intrigues du monde ne peuvent pas détruire. Quoi qu’on fasse, l’Espagne et la France au-