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national. De même que chez nous cette queue funeste des trois grandes journées s’est prolongée pendant dix ans et semble quelquefois s’agiter encore, de même l’Espagne est probablement destinée à voir bien des trames, bien des soulèvemens, qui la harcèleront dans le travail difficile de sa réorganisation.

En France, l’ordre a été le plus fort. En sera-t-il de même chez nos voisins ? Voilà la question. Ce qui autorise à l’espérer, c’est qu’après la monarchie d’Isabelle, il n’y a plus rien que la subversion totale. L’ordre aujourd’hui ou jamais. Il semble que les Espagnols le comprennent, et que l’expérience de leurs derniers bouleversemens n’ait pas été perdue pour eux. Cependant il ne faut pas se dissimuler qu’ils auront beaucoup de peine à s’arrêter. Quand on pense qu’il suffit d’une mauvaise tête, comme Abdon Terradas, pour mettre toute une province en combustion, on ne peut s’empêcher de trembler pour l’avenir d’un pays si complètement livré à toutes les influences perturbatrices.

Disons néanmoins que le dernier mot est resté jusqu’ici à la justice et au bon sens. Ce sera peut-être un bien que le nouveau gouvernement ait eu affaire tout de suite à tous ses ennemis à la fois. Une insurrection qui a éclaté et qui a été comprimée est plutôt un principe de force qu’une cause de faiblesse pour un gouvernement. Celui-ci à peine né a eu à se défendre de tous les côtés. Il s’est empressé de se mettre à l’abri derrière les deux plus forts remparts qu’il pût opposer aux attaques, la monarchie et la liberté : il a proclamé la majorité de la reine et il a convoqué les cortès. Ces deux mesures ont laissé les agitateurs sans drapeau. On n’a pu invoquer que le nom d’une junte centrale, assez pauvre expédient qui ne trompe personne, et qui laisse trop voir ce qu’il devrait cacher. La meilleure junte centrale n’est-elle pas la chambre des députés élus en vertu de la constitution, et n’est-ce pas avouer qu’on est à bout de prétextes que de prendre un pareil cri de ralliement ?

En réalité, le gouvernement n’a en face de lui que cette minorité intraitable qui représente par tout pays, et en Espagne plus qu’ailleurs, l’anarchie proprement dite. Trois partis portent la responsabilité de l’agitation : les ayacuchos ou espartéristes, les républicains, et les francisquistes ou partisans de l’infant don Francisco. Or aucun de ces trois partis n’a de véritable importance. Les républicains, les seuls qui aient un principe, forment dans la nation une fraction imperceptible. Quant aux ayacuchos et aux francisquistes, ce ne sont pas des partis, ce sont des coteries. Les uns sont excités par les derniers