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traînement ; il aime à étudier, à connaître, mais pour écrire, pour déduire ce qu’il sait, pour le mettre en belle et juste lumière. On a cité ce mot de M. Daunou sur lui : C’est une excellente plume. Il y a mieux : pour lui, si je ne me trompe, cette grace, cette aisance de rédaction qui le distinguent, doivent quelquefois déterminer, inspirer, guider la recherche par l’idée d’en faire usage. La plume, c’est son organe.

Rien n’est plus agréable, comme lecture purement littéraire, que ces assortimens bien faits de mélanges. Ceux que M. Magnin vient de publier présentent toute espèce de choix et de variété : Grèce, romantisme, Portugal et Chine, nul échantillon n’y manque ; cette qualité de style dont nous parlons en fait l’harmonie. C’est plaisir et douce surprise que de retrouver ces théories et ces œuvres nouvelles, analysées, exposées, justifiées parfois, dans un langage courant et pur, avec accompagnement des réminiscences, des citations classiques que le critique y entremêle, et par lesquelles il les rattache sans effort à ce que souvent elles oubliaient. Le rôle piquant et utile en ce genre est ainsi de maintenir, de prolonger et d’asseoir la tradition là même où elle semblerait faire faute. Ce travail de pilotis, humble en apparence, suffit souvent, comme en Hollande, pour contenir l’orgueil du flot. Parmi les morceaux d’une histoire littéraire plus lointaine et plus désintéressée, il faut mettre au premier rang la notice sur Camoens, vrai petit chef-d’œuvre où la curiosité, de l’étude et l’exquis de l’érudition viennent se fondre dans un sentiment bien délicat de cette chevaleresque poésie. Les essais de traduction que M. Magnin insère, chemin faisant, dans son récit, peuvent, je crois, être considérés comme des modèles, et montrent dans quelle mesure on doit se faire littéral avec un poète étranger, tout en se conservant Français, lisible, et même élégant. Parmi les morceaux d’un autre genre, un des plus délicieux et des plus fins est l’article sur Paul-Louis Courier à propos de ses mémoires et de sa correspondance, publiés en 1829. M. Magnin dégage chez Courier, au travers de l’homme de parti et du champion libéral, l’homme véritable, naturel, l’indépendant épicurien et moqueur, l’artiste amoureux du beau, l’humoriste vraiment attique, au rictus de satyre : « On n’a point la bouche fendue comme il l’avait, d’une oreille à l’autre, sans être prédestiné à être rieur, et rieur du rire inextinguible d’Homère ou de Rabelais. »

Ces pages si légères et si bien touchées, à propos du plus docte et du plus lettré de nos pamphlétaires politiques, nous ont rappelé in-