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HISTORIENS LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.

Crissé : « Venez, venez, madame : (se retournant) le roi a ri… ce n’est pas ce qu’il a fait de mieux ! mais nous avons le droit de remontrance ! » Et Racine, à qui tout son courage est revenu et qui va lire demain à la Comédie Britannicus, salue, en finissant, la Champmêlé du nom de Junie. — On le voit, c’est là une de ces petites pièces anecdotes dont le Souper d’Auteuil d’Andrieux représente le chef-d’œuvre, et qui sont comme un bouquet pour les anniversaires de naissance de nos grands poètes. En leur présentant cette légère offrande, M. Magnin ne faisait que marquer son goût pour leurs ouvrages, sa familiarité dans leur commerce, et témoigner agréablement qu’il avait qualité comme critique des choses de théâtre. Il ne prétendait pas s’ouvrir de ce côté une autre veine.

Dès ce temps-là, il prenait une part active à la collaboration du Globe ; il allait surtout s’y faire une position spéciale par ses articles sur les représentations théâtrales, et d’abord sur les pièces anglaises principalement. M. Magnin n’a pas recueilli, dans les deux volumes qu’il nous donne, ses articles concernant les nouveautés de la scène française ; il les réserve pour un volume séparé qui aura tout l’intérêt d’un bulletin suivi et d’une chronique très animée. Mais, dans le second des deux présens volumes, il a réuni tout ce qui se rapporte à la tentative si brillante et si dramatique qui se fit à Paris, en 1827-1828, et qui mit en jeu devant nous le théâtre de Shakspeare, de Rowe, d’Otway. Les meilleurs acteurs anglais y figurèrent successivement ; on eut Kean, on eut Macready. Une ravissante actrice, miss Smithson, apportait et confondait, pour nous séduire, sa jeunesse, son talent, sa grace idéale, et le charme de toutes ces beautés dramatiques si neuves qu’elle interprétait à nos yeux pour la première fois. Cet épisode intéressant de l’histoire littéraire de la restauration se trouve raconté dans le livre de M. Magnin avec toutes ses péripéties, ses accidens, ses ivresses même ; on croit y respirer, par momens, comme l’odeur de la poudre, et tel article, écrit le soir dans la chaleur de l’applaudissement, est intitulé bulletin d’une victoire. C’est qu’alors on croyait, on espérait avec enthousiasme et ferveur. Indépendamment du plaisir direct et tout désintéressé que pouvaient procurer ces admirables créations d’un génie terrible, pathétique ou gracieux, et toujours puissant, il y avait, au fond de tout cela, un désir de marcher à son tour, il y avait un mobile présent, contemporain, une émulation qui semblait aussi promettre des œuvres. Le critique ne sonnait si haut de la trompette que parce qu’il se sentait suivi, entouré, devancé même en plus d’un