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cipe entre la puissance temporelle et la puissance spirituelle. Quand on considère la souveraineté politique telle que l’ont établie la révolution française et la charte, il faut bien reconnaître son caractère tout-à-fait rationnel. Tout notre droit public se compose de théories philosophiques devenues des lois. L’égalité des citoyens devant la loi, la liberté individuelle, l’égalité des cultes, la liberté de la pensée et de la presse, la séparation de la puissance exécutive d’avec la législative, le pouvoir législatif divisé entre la royauté et deux chambres, tous ces principes ont été long-temps débattus par l’esprit humain avant d’être les bases de notre constitution, tous ces principes contiennent la raison et Dieu. Comment l’état reconnaît-il que la liberté humaine est sacrée, si ce n’est par les données de la raison ? Pourquoi proclame-t-il en même temps la sainteté et l’égalité des cultes, si ce n’est parce qu’il s’élève à l’intelligence de Dieu. Ainsi la sphère des idées dans laquelle l’état se meut et se développe répond par son étendue à la nature des choses. L’état a ses principes, ses convictions, ses doctrines, par lesquelles il travaille à résoudre tous les problèmes, à répandre toutes les vérités, et l’ordre temporel est complet par lui-même. Voilà pourquoi l’état enseigne et a le droit d’enseigner.

Mais cette universalité d’attributions n’est-elle pas un attentat à la puissance spirituelle ? Non, car cette puissance se meut dans une autre sphère qui n’est pas moins vaste. Par la foi, la religion s’est créée un monde moral où tous les objets qu’embrasse la philosophie sont vus et contemplés à la lumière du dogme révélé. Là elle est souveraine, là il serait insensé que l’état voulût intervenir. Quand la puissance spirituelle tombe sous la dépendance du pouvoir temporel, en ce qui touche l’enseignement du dogme, elle est stérile et avilie. Nous avons eu à plusieurs époques ce triste spectacle dans les pays où règne le protestantisme ; au contraire, il est fort rare que dans les états catholiques la liberté chrétienne de l’église n’ait pas été respectée.

Dans le domaine du dogme et de la spiritualité, l’église doit jouir d’une indépendance absolue, et l’état ne saurait intervenir que lorsque la religion s’exprime au dehors par le culte. Telle est la nature des choses, et notre législation ne la contredit pas[1]. Le culte, cette manifestation des croyances religieuses, affecte trop la

  1. Le concordat du 26 messidor an IX est entièrement basé sur cette distinction, qui remonte bien haut, car on pourrait la reconnaître dans ces paroles du Christ. « Reddite quæ sunt Cæsaris, Cæsari et quæ sunt Dei, Deo. »