Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/195

Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
L’ÉGLISE ET LA PHILOSOPHIE.

qui est de l’essence de l’enseignement. — Telle est la part que l’église fait aujourd’hui à l’état et à l’Université par l’organe d’un prélat dont on a loué la modération.

La philosophie est encore plus maltraitée par M. l’archevêque. « En fait d’erreur, dit-il aux philosophes, vous n’avez rien inventé qui ne fût connu avant Jésus-Christ. Vous n’avancerez pas, soyez-en assurés, en vous revêtant de ces vieux et impurs lambeaux dont il a délivré l’humanité. Des discussions sans fin sur des systèmes qui n’ont pas produit une idée nouvelle depuis quatre mille ans, ne vous donneront pas un progrès nouveau. » Ici, nous l’avouerons, nous n’avons pas reconnu l’adresse qui fait souvent éviter à M. l’archevêque, dans sa polémique, des écueils dangereux. Voilà donc de nouveau la guerre déclarée à la philosophie au nom de la religion par un de ses premiers pontifes. Nous avions espéré être délivrés pour long-temps de ces luttes fatales ; nous avions cru un moment qu’on était entré dans une phase heureuse d’études profondes et paisibles où chacun dans sa voie pourrait servir la science ou la religion. Nous avions trop compté sur l’esprit de paix qui devait animer l’église. C’est la guerre qu’elle veut, puisqu’elle la déclare et la commence. Elle pourrait aujourd’hui prendre pour devise : Arma amens capio. Et pourquoi faut-il que nous puissions avec justice ajouter : Nec sat rationis in armis ?

Ainsi le catholicisme proclame, par la bouche de M. l’archevêque de Paris, que la science humaine n’est qu’un stérile amas d’erreurs impures. Ces provocations sont imprudentes ; elles autorisent des questions qui pourraient être fâcheuses. Vous accusez la philosophie de stérilité depuis quatre mille ans. Pourquoi donc la religion chrétienne lui a-t-elle fait tant d’emprunts ? Pourquoi a-t-on enté Platon sur l’Évangile ? Pourquoi l’Évangile rappelle-t-il si souvent la morale du portique ? Pourquoi des aveux sans nombre échappent-ils sur ces ressemblances à Lactance, à saint Augustin, à saint Jérôme ? Mais nous serons plus sage que ceux qui attaquent la pensée humaine si vivement, et nous ne voulons pas insister aujourd’hui sur ces problèmes redoutables.

De toute la polémique de M. l’archevêque, nous avons dégagé trois points qui dominent tout le reste : 1o l’état est incapable de poser les bases de l’enseignement ; 2o l’Université a un caractère purement administratif ; 3o la philosophie n’a jamais été que mensonge et impuissance. Voilà ce que soutient aujourd’hui l’église en face de la France et du gouvernement.