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dehors de Rome il n’y a qu’impuissance et chute, qu’en dehors de Rome il n’y a que des causes d’erreur et des tentations d’apostasie.

Il y a vingt-trois ans, M. de Maistre disait au clergé de France. « On a besoin de vous pour ce qui se prépare… mais le sacerdoce français ne doit pas se flatter d’être mis à la tête de l’œuvre qui s’avance sans qu’il lui en coûte rien. Le sacrifice de certains préjugés favoris, sucés avec le lait et devenus nature, est difficile sans doute et même douloureux ; cependant il n’y a pas à balancer ; une grande récompense appelle un grand courage[1]. » Le sacrifice qu’exigeait M. de Maistre est à peu près accompli. Ces préjugés favoris, devenus nature, ont été presqu’entièrement dépouillés. Maintenant, la récompense suivra-t-elle ? On n’en saurait douter, s’il faut en croire M. le cardinal Pacca. Cette année même, dans une solennité littéraire où affluait tout ce que la société romaine a de plus distingué, le vénérable doyen du sacré collége, après avoir félicité le clergé français de se montrer depuis quelque temps le fils le plus affectueux et le plus soumis de la sainte église romaine, nous annonce que le Seigneur destine la France à être l’instrument de ses divines miséricordes. Dans la revue qu’il a faite du monde catholique, M. le cardinal Pacca s’est occupé de peser les mérites de chacun, d’assigner les places, et il se trouve que dans cette distribution le clergé français a reçu des mains du doyen du sacré collége le prix d’excellence.

Il n’y a plus, à vrai dire, d’église gallicane. La congrégation de Saint-Sulpice, dont le début fut si brillant, puisqu’elle éleva Fénelon, est depuis long-temps stérile en profonds théologiens. Le prêtre qui la fonda, M. Olier, avait voulu qu’elle restât étrangère à tout esprit de contention et de polémique, et qu’elle se vouât uniquement à la doctrine, à l’éducation de ceux qui devaient être revêtus du sacerdoce. Cette vue pouvait être féconde, mais la condition qu’à Saint-Sulpice la doctrine se maintint toujours forte et florissante. Or, aujourd’hui, c’est une plainte universelle au sein même de l’église et parmi les croyans les plus sincères, que la théologie n’a plus de grands docteurs. Dans cette stérilité, les jésuites triomphent, et voilà pourquoi dans le clergé de France les uns invoquent leur intervention avec empressement, les autres la subissent comme une nécessité.

Maintenant, il faut voir comment les jésuites reviennent parmi

  1. De l’Église gallicane, pour servir de suite à l’ouvrage intitulé du Pape.