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revêtu du sacerdoce ? Mais Massillon disait, dans le siècle dernier que malheureusement le caractère sacerdotal était un titre d’ignorance. Tout est-il tellement changé, qu’il faille aujourd’hui, sans autre information, tenir les prêtres pour savans ?

Dans les séminaires, les études sont, assure-t-on, d’une grande faiblesse. Si l’on doit en croire des personnes qui disent connaître les faits, l’histoire, dans les établissemens ecclésiastiques, est enseignée ou plutôt travestie d’une manière déplorable, et les lettres grecques et latines y sont pauvrement cultivées. Naturellement le clergé traite ces assertions de calomnieuses ; eh bien ! comment pourrait-il mieux confondre des accusations qu’il appelle mensongères qu’en acceptant les épreuves auxquelles la loi soumet tous ceux qui ambitionnent d’instruire la jeunesse ?

Mais peut-être l’église, inférieure à l’Université dans les sciences profanes, reprend tous ses avantages dans les questions philosophiques et religieuses par la hauteur de ses vues et l’énergie de ses convictions. Voyons un peu. L’église n’est pas encore revenue de l’effroi que lui a causé la défection de M. de Lamennais. Deux fois, en 1817, en 1830, elle avait cru trouver dans l’auteur de l’Essai sur l’indifférence et dans le rédacteur de l’Avenir un guide glorieux. En 1817, c’était un Bossuet nouveau qui devait avoir raison du scepticisme dédaigneux de notre âge ; en 1830, c’était un autre Athanase qui allait sauver l’église du contact d’un pouvoir corrupteur. On sait comment cette double attente a été remplie. Peu à peu s’est évanoui dans M. de Lamennais le nouveau Bossuet, l’autre Athanase, et enfin même le chrétien. Un pareil dénouement a rempli l’église d’épouvante et de colère. L’église, s’armant des paroles même de M. de Lamennais, s’est écriée dans sa douleur : « Que fait Dieu cependant ? Il se retire, il délaisse cet insensé qui comptait sur ses forces ; il l’abandonne à son orgueil. Alors arrivent ces chutes terribles qui étonnent et consternent, ces chutes inattendues, effrayantes, exemples des jugemens divins[1]. » Ce n’est pas tout : l’église a étendu sa réprobation jusqu’aux idées elles-mêmes. Voilà où elles aboutissent, ont dit les sages ; voyez où la philosophie a conduit M. de Lamennais ; considérez au fond de quel gouffre il s’est précipité en voulant faire dans la religion la part de la pensée spéculative. Aussi aujourd’hui, tout ce qui trahit des tendances philosophiques est suspect aux yeux de l’église. La philosophie même la plus chrétienne

  1. M. de Lamennais, notes sur l’Imitation de Jésus-Christ.