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L’ÉGLISE ET LA PHILOSOPHIE.

Massillon, dans le dernier siècle, déplorait l’ignorance des ecclésiastiques. « Le sacerdoce, disait l’illustre évêque de Clermont au clergé de son diocèse[1], devient le titre unique et universel qui autorise l’ignorance et la cessation de toute étude… On n’a plus de goût pour l’étude, on ne lit plus ; les livres sont devenus des meubles de rebut, souvent même on n’en a pas, et c’est beaucoup quand le presbytère de certains prêtres est décoré du moins de la présence d’une seule Bible. » Massillon compare cette ignorance à l’instruction des prêtres païens, et il ne craint pas d’avouer sur ce point l’infériorité du sacerdoce catholique. « Dans le paganisme, dit l’éloquent oratorien, les prêtres des idoles n’avaient point d’autre occupation qu’une étude assidue des fables et des extravagances de leur mythologie : ils vivaient retirés dans l’obscurité de leurs temples pour répondre aux peuples abusés qui venaient les consulter sur leurs mystères impurs et insensés avant de s’y faire initier. » Massillon poursuit le parallèle, et il montre les prêtres catholiques incapables d’enseigner aux peuples l’esprit du christianisme, puisqu’ils l’ignorent eux-mêmes. Cependant l’étude et la science, c’est toujours Massillon qui parle, sont indispensables aux prêtres et aux ministres ; cependant, nous citons les paroles textuelles de ce grand prélat, un prêtre et un pasteur ignorant n’a plus le droit de porter l’auguste titre du sacerdoce, et il n’est plus que l’opprobre et le rebut de l’église et du monde même. Il ne nous appartient pas de décider jusqu’à quel point les sévères remontrances de Massillon peuvent s’appliquer au clergé de nos jours ; nous sommes même disposé à croire que l’église a mis à profit les jours tranquilles et heureux qu’elle doit depuis quarante ans à la sagesse du gouvernement civil pour élever convenablement ses ministres, pour former de dignes pasteurs, pour ne conférer le sacerdoce qu’à des hommes dont l’instruction ne contraste pas d’une manière étrange et pénible avec les lumières de leur siècle. Cependant quelque chose pourrait éveiller notre défiance. Le clergé, qui, non content d’élever sans contrôle ses lévites, dispute aujourd’hui à l’Université l’éducation de la jeunesse, refuse de se soumettre aux épreuves par lesquelles l’état fait passer tous les aspirans à l’enseignement. Pourquoi cette répugnance ? D’où vient ce refus ? Le clergé craindrait-il des examens qui montreraient ce qu’il sait et ce qu’il ignore ? Ou bien prétendrait-il par hasard établir une présomption de capacité universelle en faveur du prêtre, par cela seul qu’il est

  1. Discours synodaux, XVIe discours : De l’Étude et de la Science nécessaires aux ministres.