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LETTRES PARISIENNES.

Oui, il y a de la prétention, et s’il s’agissait encore du vicomte de Launay, je me risquerais à dire que cette prétention et cette morgue touchent quelquefois (le mot est bien dur) à la fatuité. Eh ! mon Dieu ! vous en aviez quelque peu conscience, quand vous écriviez : « La France est la patrie de la fatuité. » Il ne s’agit, j’aime à le croire, que de la France des Lettres Parisiennes. Lorsqu’à propos du duc de Bordeaux, on répète avec affectation : « Nous étions ensemble à Rome… je lui ai souvent entendu dire… ; » lorsqu’on parle de quinze ou vingt demandes d’audience qui vous arrivent chaque jour, et qu’on ne trouve le loisir de refuser que par l’intermédiaire du journal ; lorsqu’en s’occupant de la presse, on s’écrie : « Notre mission est de la détrôner… ; » lorsqu’on n’hésite pas à écrire sérieusement : « … le triomphe de nos idées… ; » lorsqu’en décrivant un bureau de poste, on a bien soin d’ajouter qu’on y jetait une réponse à Lamartine ; lorsqu’enfin on a de petits airs méprisans qui se glissent dans les moindres phrases, je dis que vous pouvez donner à tout cela le nom que vous voudrez, mais que ce n’est pas précisément de la simplicité.

Oui, vous avez beau dire, du haut du journal, la politique s’infiltre dans vos badins feuilletons, et à l’accent fort peu mondain que vous prenez, on reconnaît trop l’influence perfide du voisinage. Il y a là, entre autres, sur les deux noms les plus célèbres de la chambre, des pages plus qu’acrimonieuses, et qui eussent trouvé leur vraie place dans les premier-Paris de la coalition. Effacer ces blessans souvenirs nous eut paru de meilleur goût. L’auteur trouve la politique des journaux « fort ennuyeuse à lire. » Nous craignons qu’on ne soit précisément du même avis en lisant la sienne. Peut-être ira-t-on jusqu’à se rappeler cette phrase légèrement impertinente du courrier de Paris : « En général nous n’aimons pas la politique des chiffons. » Nous sommes trop courtois pour aller jusque-là.

Oui enfin, quoique plus d’une page ait été à bon droit rayée, il reste encore dans les Lettres Parisiennes trop de traces de ces petites vengeances, finement et résolument accomplies, qui montrent que le vers des Orientales n’est pas oublié :

Il faut des perles au poignard.

C’est, il est vrai, plutôt une épingle qu’un poignard, mais une épingle bien ferme, bien affilée. M. le duc d’Orléans tue de fort loin un cerf dans une chasse de Chantilly, et l’on remarque à ce propos qu’il n’a la vue basse que dans un salon : petite rancune sans doute pour un salut oublié. Je pourrais citer d’autres exemples ; mais il faudrait