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REVUE. — CHRONIQUE.

toute sa verve et toutes ses ressources, s’il n’avait pas senti lui-même qu’il s’attaquait à forte partie. Bacon a sa place marquée avant Descartes dans l’histoire de la pensée humaine : le monde nouveau est en fermentation dans ses livres, et c’est à ce titre surtout qu’il nous intéresse et que nous l’aimons. Oui, il est de ceux dont les ouvrages sont demeurés élémentaires. Le Nouvel Organum a sa place marquée à jamais tout à côté du Discours de la Méthode. Jusqu’ici on n’avait, du régénérateur de la philosophie, que des traductions lourdes, inexactes, très souvent fautives. Dans le choix judicieux qu’il vient de donner des œuvres de Bacon[1], M. F. Riaux, au contraire, a suivi pas à pas le texte sévèrement établi par M. Bouillet dans son édition originale. En bien des endroits, M. Riaux a rétabli le vrai sens, trop souvent altéré ; à chaque ligne, il a substitué la pensée véritable et nue de l’auteur aux équivalens vagues dont s’étaient contentés les précédens interprètes. Ce travail, poursuivi dans ses détails avec sagacité et conscience, servira la vraie cause philosophique, et fera honneur à celui qui l’a menée à bout avec cette passion de la science et du sujet qui seule fait les bons travaux. L’introduction approfondie que M. Riaux a mise en tête de son édition est un morceau étendu et remarquable qui résume les jugemens portés sur Bacon depuis deux siècles, et qui maintient avec fermeté à l’auteur du Nouvel Organum sa place légitime et glorieuse dans l’histoire des révolutions philosophiques.


— Parmi les travaux récens qui méritent d’être signalés aux amis des études archéologiques, il faut placer la traduction française, avec le texte latin en regard, de l’ouvrage du moine Théophile, intitulé : Essai sur divers arts[2]. Cette traduction est due à M. le comte de l’Escalopier, conservateur honoraire de la bibliothèque de l’Arsenal. À quelle époque vivait le moine Théophile ? De quel pays était-il ? Ce sont des questions auxquelles il est difficile de faire une réponse certaine et précise. Dans l’opinion de M. de l’Escalopier, et d’après une dissertation de M. Guichard qui accompagne cette publication, Théophile a dû écrire vers la fin du XIIIe siècle, et tout porte à croire qu’il était d’origine germanique. Son Essai est consacré à la description des procédés, usités au moyen-âge dans les arts qui servaient à orner les églises. Ainsi la manière de broyer et de mêler les couleurs, la fabrication du verre, la fabrication des objets nécessaires pour le culte, y sont longuement et minutieusement indiquées. L’auteur n’a pas la prétention de donner aux artistes de son temps des vues nouvelles sur les différens genres de beauté que l’art aspire à reproduire ; il ne disserte pas en philosophe : il énumère les meilleures méthodes à employer pour tout ce qui concerne la décoration des édifices religieux. Ce sont des détails techniques où il ne faut chercher ni l’originalité des idées ni la grace du style. À part les préfaces

  1. Deux vol. in-18, Bibliothèque-Charpentier.
  2. Paris, 1 vol. in-4o, chez Techener.