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REVUE. — CHRONIQUE.

des partis, de faire la juste part de chacun. Si M. Olozaga a été la cause immédiate, l’auteur direct de la rupture, il n’est pas moins évident pour nous que de son côté le parti modéré montrait de l’humeur et laissait déjà percer son mécontentement. Peu satisfaits du lot qui leur était échu dans la distribution des pouvoirs, ayant dans leurs forces une confiance excessive peut-être, les modérés s’essayaient à la lutte et préparaient dans le parlement la défaite du ministère. De là la nomination du président de la chambre des députés. De là aussi les alarmes et l’irritation de M. Olozaga, qui, en homme d’imagination plutôt que de sens, a cru que dès ce moment tout était perdu pour lui et pour son parti, et qu’il fallait se mettre en mesure de répondre à la première attaque par une sorte de coup d’état. Tout a marché dans sa tête beaucoup plus vite que cela n’aurait marché dans la réalité. Il a cru être à la veille d’une bataille, tandis que l’ennemi commençait seulement à organiser son armée. S’il lui eût été donné de rester à la fois calme et résolu, actif et modéré, il aurait pu éloigner la crise, la prévenir peut-être. Le mécontentement des modérés, il fallait s’appliquer à l’apaiser, sans avoir l’air de le remarquer ; leurs intrigues, il importait de les connaître sans les proclamer ; leur président, on devait l’accepter de bonne grace, et c’était, disons-le, un enfantillage que de s’élever contre ce choix dans un système de coalition : il fallait, ce nous semble, dire tout haut que quel que fût le président nommé, s’il n’était ni carliste ni républicain, il était des amis du cabinet.

Bref il fallait contraindre les modérés à prendre, s’ils l’osaient, l’initiative et la responsabilité de la rupture. Ils y auraient pensé à deux fois. En attendant, le cabinet aurait invité vivement les chambres à s’occuper de mesures importantes, à discuter ces grandes lois d’organisation et de réforme qui sont si nécessaires à l’Espagne ; il aurait ainsi gagné du terrain dans l’opinion publique et embarrassé de plus en plus ses adversaires.

Enfin il fallait, sans perdre une minute, conclure le mariage de la reine. Tout délai à cet égard est une faute politique des plus graves, une faute pour le pays, une faute pour le cabinet. Le ministère Lopez avait accompli sa mission en faisant proclamer la majorité d’Isabelle ; le ministère Olozaga devait accomplir la sienne en donnant à la reine un mari, et au pays des lois organiques et un gouvernement régulier. C’est là ce que l’Espagne et l’Europe attendaient ; c’est là ce dont les adversaires de M. Olozaga auraient été désolés. Ils ne voulaient pas que le prince appelé à partager les destinées d’Isabelle pût se croire en quelque sorte l’obligé des progressistes. M. Olozaga a oublié que souvent il n’y a pas de règle plus sûre en politique que de faire ce que redoutent vos adversaires et ce qui leur déplaît le plus. L’inimitié est clairvoyante, et ses instincts se trompent rarement. Aussi, c’est un excellent conseiller qu’un ennemi, si on sait le comprendre.

Au lieu de suivre la marche que tout semblait lui prescrire, M. Olozaga, par un singulier mélange d’emportement et de finesse, a tout embrouillé et tout précipité. La guerre a recommencé entre les progressistes et les modé-