Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/826

Cette page a été validée par deux contributeurs.
820
REVUE DES DEUX MONDES.

« Comment croire à votre amour pour la religion, lorsque vous déguisez assez mal votre confiance dans une audacieuse exégèse qui n’ébranle les fondemens du christianisme qu’en renversant les fondemens de toute certitude historique ? »

Nous avons posé les questions qui ont été soulevées par la critique moderne. Au lieu d’un vain débat, nous avons sincèrement montré les difficultés qu’a créées la science de nos jours. Est-ce faire preuve d’un véritable athéisme que d’inviter les théologiens à saisir les difficultés où elles sont ? Qu’on les résolve, nous ne demandons pas mieux. En attendant, nous nous étonnons que, par aucun ouvrage, le clergé de France n’ait seulement tenté d’aborder les objections proposées avec tant d’éclat et de franchise par l’exégèse, et ce qu’il est aisé d’appeler le naturalisme des universités allemandes. Une fois, cependant, on a répondu à l’ouvrage de Strauss, qui, résumant avec une audace inconnue toutes les formes du scepticisme, sapait le christianisme par la racine. Et quel est celui qui a fait cette réponse ? Est-ce un homme du clergé de France ? Est-ce un de ces prélats que la moindre dissidence scandalise ? est-ce au moins un membre de l’ordre de Jésus, auquel la tâche appartenait par privilége ? Non. C’est celui que votre grandeur traite aujourd’hui de blasphémateur[1].

J’ai demandé pourquoi les peuples qui ont adopté la bannière de la politique ultramontaine sont aujourd’hui délaissés ou châtiés par la Providence. La réponse que l’on me jette comme une accusation confirme l’objection : « Qui vous a dit que ces déchiremens ne viennent point de la témérité, de l’ignorance profonde des réformateurs qui partagent vos doctrines ? » Reste à voir où sont les réformateurs téméraires de l’Italie, de l’Espagne, de l’Amérique du Sud. Ces peuples sont ceux chez lesquels les réformes ont eu le moins de crédit ; ils devraient, d’après cela, être moins déchirés, moins abandonnés que les autres. Mais c’est le contraire qui arrive, puisque les peuples chez lesquels les changemens ont été les plus profonds, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, la Russie, les États-Unis, l’emportent incontestablement en puissance, en autorité, en prospérité, sur les premiers : d’où il suit que tout ce que M. l’archevêque avance ici se retourne contre lui ; car enfin, si le Midi est en décadence, à cause de ses réformes téméraires, pourquoi le Nord

  1. De la Vie de Jésus-Christ, du docteur Strauss, dans la livraison de la Revue des Deux Mondes du 1er  décembre 1838.