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ARISTOPHANE.

sorte que c’était tout simplement un sacrifice de cent pieds, et par conséquent de vingt-cinq quadrupèdes. D’autres enfin dirent que le mot cent se rapportait aux assistans, non aux victimes, et qu’une hécatombe était un sacrifice offert par cent personnes ou en présence de cent personnes. Ces chicanes quelque peu sardoniques ne démentaient pas, à coup sûr, la ruse patriarcale de l’antique Prométhée, et, quoique ridicules en elles-mêmes, elles sont dignes d’observation. Combien d’institutions, combien d’usages, combien de devoirs se transforment et s’éteignent dans le cours de l’histoire par des interprétations de cette espèce ! On remplirait plus d’un volume de toutes les choses importantes qui se sont métamorphosées sans changer d’enveloppe, et dont le nom restait quand elles n’étaient plus depuis long-temps.

C’est ainsi que l’action sainte, l’action par excellence du sacrifice, était devenue l’objet de répulsions, de subterfuges et de disputes misérables. C’est ainsi que la question s’était déplacée du fond à la forme, parce qu’on l’avait dérobée au grand jour, parce qu’on avait, comme dit l’Évangile, mis la lumière sous le boisseau. Les symboles, expression visible des idées, sont comme la physionomie humaine : il faut que la pensée y éclate sans cesse à travers la figure, pour qu’on y aperçoive une vie active ; mais, si les traits extérieurs s’immobilisent, si le regard intellectuel s’éteint, c’est que la mort se fait et que la corruption approche. Rien de plus pitoyable et de plus dégradant que les opinions qui, dès le temps d’Aristophane, s’étaient répandues dans le peuple au sujet des sacrifices. On croyait que la fumée des viandes rôties était la nourriture des dieux, que l’odeur des parfums et des gâteaux sacrés récréait leurs narines ; que le sel, symbole de préservation et de persévérance, dont, chez les Grecs et les Romains aussi bien que chez les Juifs, aucun sacrifice ne pouvait se passer, n’était si rigoureusement exigé que pour exciter leur appétit. On sent bien qu’un point de vue si heureux pour la critique ne fut point négligé par l’ancienne comédie. Sans cesse elle traite les dieux comme des affamés, des êtres insatiables, pour lesquels la terre nourrit à peine assez d’animaux et de fruits. Elle répète sur tous les tons que ces pensionnaires de l’humanité mangent énormément et occasionnent des frais excessifs. Il y avait un ordre de prêtres subalternes qu’on appelait parasites, c’est-à-dire administrateurs des vivres, chargés de recueillir et d’employer les revenus, les dîmes et les offrandes ; leur fonction correspondait à celle des diacones de l’église primitive ; ils étaient anciennement très respectés, et mar-