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POLITIQUE COMMERCIALE DE L’ANGLETERRE.

si l’on se croyait soi-même sollicité par quelque intérêt considérable à accueillir ses avances, qu’il serait aujourd’hui plus impardonnable que jamais de faire avec l’Angleterre un marché de dupe. Le péril qu’il y aurait à commettre une faute aussi lourde nous paraît devoir suffire en ce moment pour refroidir les résolutions les plus téméraires. Cependant des hommes d’état perspicaces trouveraient peut-être ailleurs des motifs d’ajournement plus solides et non moins puissans.

L’Angleterre laisse, sans doute, bien loin encore derrière elle les nations qui la suivent de plus près dans les voies du commerce et de l’industrie. Ce n’en est pas moins à nos yeux une chose très grave et qui donne à réfléchir que la tendance prononcée du commerce anglais à diminuer, je ne dis pas seulement dans l’importance de ses bénéfices, mais encore dans le chiffre brut de ses affaires, tandis qu’au contraire, chez plusieurs autres nations, en France et en Allemagne par exemple, l’industrie et le commerce suivent une marche ascensionnelle qui ne semble pas près de s’arrêter. Il y a là un symptôme significatif : ces contrées procurent apparemment aux capitaux qu’elles emploient plus de profits que l’Angleterre ne peut en donner aux siens. Aussi remarquez le mouvement des capitaux anglais vers les entreprises continentales. Sans rappeler la part qu’ils ont déjà prise dans les emprunts, ne voit-on pas comme ils viennent s’offrir aujourd’hui, en France, à concourir à la construction des chemins de fer ? Si elle n’est pas maladroitement traversée, la force et l’étendue de cette impulsion ne peuvent manquer de s’accroître. Il y a en Angleterre deux sortes de capitaux : les uns sont attachés immuablement au pays, avec les propriétés foncières et les fonds publics qui les représentent ; les autres, mobiles et flottans, commanditent l’industrie et le commerce ; ceux-ci sont cosmopolites, ils n’ont pas de patrie, ils vont où les profits les appellent. Or, tandis que l’Angleterre, par la constitution illogique de son système financier, ne touche encore que légèrement aux revenus des premiers, qu’elle fait peser sur les seconds la part la plus lourde des charges publiques, la politique des nations industrielles serait-elle de créer à ceux-ci de nouveaux profits en Angleterre, et de fortifier ainsi les liens débiles par lesquels ils y sont encore retenus, lorsqu’au contraire, en maintenant la situation actuelle, en usant habilement des avantages qu’elle leur offre, elles peuvent en seconder, en activer l’émigration, déjà commencée sur une échelle considérable ? Le XVIIIe siècle a vu s’accomplir, par un semblable déplacement de la richesse mobile, la décadence commerciale de la Hollande. Les grands