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REVUE. — CHRONIQUE.

Peel ce qu’ils appellent son hésitation et sa timidité. Les tories modérés n’osent pas se plaindre, mais ils osent encore moins se féliciter de l’état des choses.

La situation, il est vrai, n’est pas sans embarras. On se flatterait en vain de pouvoir en sortir par des mesures purement dilatoires et négatives ; cela est désormais impossible à l’égard de l’Irlande. On peut, bien que difficilement, ramener à la raison un peuple qui n’a dans l’esprit qu’une fantaisie, qu’une erreur. On pourrait y ramener l’Irlande, si elle ne voulait décidément que le rappel ; mais, encore une fois, le rappel n’est que le prétexte, que l’arme, que le moyen : le but est autre, et, quant au but, l’Irlande ne se trompe pas. Elle peut exagérer ses demandes, réclamer dix pour obtenir cinq, mais au fond elle a pour elle la justice, le droit. Plus on approfondira la question, plus son droit deviendra manifeste, manifeste pour tout le monde, manifeste pour les Anglais eux-mêmes, car, il est juste de le reconnaître, le droit a toujours trouvé d’éloquens défenseurs dans le parlement, et il finit par triompher. C’est ainsi que le droit a prévalu dans la question des colonies américaines, de l’esclavage, de l’émancipation des catholiques, de la réforme. Il prévaudra de nouveau au profit de l’Irlande. La question est soulevée ; le parlement ne s’en débarrassera pas, pas plus qu’il ne s’est débarrassé, autrement que par une décision favorable, des questions que nous venons de rappeler. Les tories n’ont rien de mieux à faire que de donner carte blanche à sir Robert Peel, à l’homme qui peut le mieux résoudre la question dans leur intérêt, c’est-à-dire leur conserver le pouvoir avec tout juste la mesure de sacrifices qui sera indispensable.

Le pays ne peut qu’applaudir au mariage de S. A. R. le prince de Joinville avec la princesse dona Francesca, sœur de l’empereur du Brésil. Le Brésil et le Chili sont jusqu’ici les seuls états de l’Amérique du Sud qui présentent une administration régulière et qui fassent espérer un développement prochain de leurs immenses ressources. On sait quelle est l’étendue du territoire brésilien, quelle est sa fertilité et la richesse de ses produits. Le Brésil, par la famille qui en occupe le trône et par les alliances qu’elle contracte, tend de plus en plus à se lier intimement avec l’Europe ; il en adopte les mœurs, les habitudes, les goûts, les idées. Tout pays producteur et commerçant doit se réjouir d’un développement qui sera utile à tout le monde, même par de simples rapports d’amitié et sans traité particulier de commerce. M. de Langsdorf, ministre du roi au Brésil, a donné, par ses heureuses négociations, une nouvelle preuve de sa capacité.

Ainsi qu’on s’y attendait généralement, M. le vice-amiral de Mackau a succédé à M. l’amiral Roussin dans le ministère de la marine et des colonies. M. de Mackau est un homme capable, instruit, et qui a fait ses preuves comme officier et comme négociateur. Il est appelé aujourd’hui à une tâche bien autrement compliquée, délicate, difficile ; elle demande précisément toute la fermeté d’un homme de guerre et toute l’habileté d’un diplomate qui sait et veut atteindre le but. M. de Mackau s’élèvera-t-il au-dessus des préoc-