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LE DRAME SATYRIQUE DES GRECS.

sément comme le restaurateur du genre. Un vers que cite de lui Diogène Laërce pourrait faire penser qu’il se servit de cette sorte de composition littéraire contre le philosophe Cléanthe, à peu près de la même manière que Lycophron contre le philosophe Ménédème. Quoi qu’il en soit de cette conjecture, on doit voir un vrai drame satyrique dans ce Lityerse, dont les fragmens, accrus d’une façon notable en 1584, ont, depuis cette époque, tant exercé la science philologique. Lityerse, c’était un fils de Midas qui régnait sur la ville de Célènes en Phrygie. Ce prince, grand mangeur, grand buveur, traitait fort largement ses hôtes, mais il leur faisait payer cher sa bonne réception : il les conduisait dans ses champs pour l’aider à moissonner, et, vers le soir, prenant son temps, leur abattait la tête avec sa faux, puis rapportait leur corps roulé dans ses gerbes, riant beaucoup d’un si bon tour. Le fameux berger Daphnis, en quête de sa maîtresse, que des pirates avaient enlevée et vendue à Lityerse, aurait trouvé, comme tant d’autres, la mort à la cour de ce monstre, si le sort n’y eût envoyé un redoutable travailleur qui le traita lui-même ainsi qu’il traitait ses victimes, et le jeta dans le Méandre. Considéré comme moissonneur habile et infatigable, ce Lityerse avait donné son nom aux chansons que chantaient les travailleurs des champs ; sa légende était du reste merveilleusement propre au drame satyrique ; elle offre une ressemblance frappante avec celle de laquelle Euripide a tiré son Sylée.

Selon Diogène Laërce, ce philosophe caustique qui, au temps de Ptolémée-Philadelphe, se moqua en vers si plaisans non-seulement des philosophes ses confrères, mais aussi des littérateurs entretenus dans le musée d’Alexandrie, Timon avait composé comme eux, avec force comédies et tragédies, des drames satyriques. Timon était de Phlionte, et, parmi tant de genres divers auxquels s’appliqua son talent flexible, il ne pouvait oublier celui qui avait pris naissance en son pays. Avec un certain Démétrius de l’école de Tarse, auquel Diogène Laërce attribue aussi des drames satyriques, on arrive à peu près au temps où Vitruve, réglant la décoration de la scène, disait qu’elle devait varier selon qu’on représentait des tragédies, des comédies ou des drames satyriques ; au temps où Horace, dans son épître aux Pisons, donnait du drame satyrique une poétique complète. L’attention particulière accordée à ce genre, tout à la fois par le grand architecte et par le grand critique, paraîtrait vraiment bien extraordinaire, si cette espèce de composition dramatique avait été aussi complètement étrangère à la littérature latine que l’ont pré-