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LE DRAME SATYRIQUE DES GRECS.

dont l’effet était inévitable. C’est la fatalité de la tragédie étendue au drame satyrique. Tandis qu’il s’apprête à gravir la montagne pour lancer de là un quartier de roche sur le vaisseau d’Ulysse, le héros prend le chemin du rivage avec les satyres, qui s’applaudissent de n’avoir plus désormais d’autre maître que Bacchus. C’est le dernier mot de la pièce, et je ne doute guère qu’à la fin des autres drames satyriques ne fût de même marquée, par quelque trait, la destination religieuse de ce genre d’ouvrages, d’ailleurs si futile, qui payait au culte du dieu, en bouffonneries, la dette de la tragédie.

III.

Assurément, le Cyclope d’Euripide, indépendamment de ses divers mérites, est un morceau d’antiquité fort curieux, et Brumoy l’aurait traduit aussi complètement que le pense La Harpe, qu’il n’y aurait pas lieu de tant admirer la patience du traducteur. Dès le temps d’Eustathe, c’était déjà le monument unique du genre ; il représentait seul ce qu’en ont tiré, pendant plusieurs siècles, non-seulement les trois grands tragiques, mais la foule de leurs devanciers, de leurs rivaux, de leurs successeurs. Ces légers ouvrages, simple complément du spectacle, qui n’ajoutaient pas grande valeur aux tétralogies couronnées aux concours dramatiques, et qu’en ont séparés, dans leurs recueils, les collecteurs d’Alexandrie, pour ne tenir compte que des trilogies, ont dû la plupart disparaître d’assez bonne heure. La critique moderne s’est appliquée à en retrouver la trace bien effacée. Elle n’a réussi qu’à rassembler, qu’à classer, avec quelques noms de poètes, un petit nombre de titres et de fragmens, trop peu intelligibles. Ce qui, dans cet inventaire d’une partie si oubliée du théâtre antique, occupe le plus de place, ce sont les débris des drames satyriques d’Achæus. On ne doit pas s’en étonner, Achæus était, après Eschyle, celui de tous les poètes grecs qui avait le mieux réussi dans ce genre de composition.

La matière et l’intérêt du drame satyrique durent s’épuiser assez vite, et l’on fut naturellement amené à se permettre de compléter quelquefois les tétralogies par des tragédies d’un genre particulier, qui, contre l’ordinaire, se terminaient par le bonheur, par la joie. Telle fut la destination de l’Alceste, et par là s’explique l’expression, au premier abord étrange, de ce scoliaste qui trouve dans cette pièce quelque chose de satyrique. On a conjecturé la même chose de