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DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES.

associations qui doivent avoir une durée si courte. Sans doute, le législateur n’a pas voulu imposer une publicité de trois mois à des associations qui pouvaient ne durer qu’un jour, il a reculé devant l’absurde ; mais au fond ces garanties légales, si elles étaient jamais nécessaires, le seraient d’autant plus que l’association aurait moins de durée. Une union passagère laisse ordinairement peu de traces après elle, peu de preuves matérielles ou morales de son existence, et il est toujours difficile de la saisir, tandis qu’une société qui dure se constate assez d’elle-même et par ses actes. Si donc la représentation des livres, de la correspondance, et la preuve testimoniale suffisent pour constater les sociétés en participation, à plus forte raison suffiraient-elles pour constater les autres.

Entre les sociétés en participation qui ne se forment ordinairement que pour une seule affaire, et ces sociétés de longue haleine qui semblent devoir embrasser la meilleure partie de la vie d’un homme, la distance est grande, et on y trouverait place pour un nombre infini d’associations contractées en vue d’une position donnée, pour certains besoins du moment et sans prévision d’une bien longue durée. Celles-là seraient assurément les plus fréquentes parce qu’elles n’auraient rien qui effrayât la pensée des contractans, et elles seraient par cela même les plus utiles. Comment se formeraient cependant de telles associations quand, pour les rendre valables, la loi exige invariablement des formalités sans nombre et une publicité de trois mois ?

Mais apparemment le législateur a cru bien faire en introduisant dans les unions commerciales ce qu’on appelle si mal à propos la fixité. C’est le faible ordinaire de ceux qui font les lois, d’attacher plus de prix à ce qui dure, et de vouloir imprimer à tout ce qu’ils touchent ce caractère de fixité et de durée : comme s’il était bon qu’une chose durât plus que les besoins ne l’exigent, qu’elle se perpétuât quand elle a cessé d’être utile. Ce qui est sûr, c’est que cette fixité et cette perpétuité contrarient les lois du commerce. Tant mieux, dira-t-on, si par là on peut opposer des digues à ce flot toujours mouvant. Mais croit-on, par hasard, que la mobilité du commerce n’ait pas sa raison et sa sagesse ? S’imagine-t-on qu’elle ne soit qu’un appétit grossier de changement et ne dérive que du caprice ? Si le commerce s’agite et se remue, ce n’est pas que cela lui plaise ou l’amuse, c’est que la nécessité le pousse, ou que les situations l’entraînent. S’il marche de combinaisons en combinaisons, d’essais en essais, c’est qu’il s’ingénie sans cesse pour se mettre au niveau des situations présentes et répondre à des besoins toujours changeans. Veut-on qu’il demeure immobile quand tout se meut autour de lui ? Autant vaudrait conseiller au navigateur de présenter les mêmes voiles à tous les vents.

Des trois formes de l’association que la loi autorise, voilà donc les deux premières singulièrement gênées dans la pratique par le système de garanties que la loi leur impose. C’est bien pis en ce qui touche la société anonyme. Pour celle-ci, le législateur ne s’est pas contenté des formalités légales ; il a voulu qu’elle ne fût établie que moyennant une autorisation expresse.

Ou a essayé souvent de justifier cet excès de sévérité, en alléguant la nature