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REVUE. — CHRONIQUE.

sérieuse. C’est là un acte fait pour attirer à l’administration de M. Villemain les sympathies du monde savant.


— La littérature contemporaine a quelque peu abusé de la Bretagne, et nous avons eu tour à tour des contes, des poésies, des drames armoricains, toute une série de livres ennuyeux et prétentieux, où je ne sais quel faux air de couleur locale tenait trop souvent lieu de pensée, de plan et de style. La manie dure encore, et chaque jour cette pauvre contrée défraie, bien malgré elle, les inspirations des peintres qui la dépoétisent. Ce n’est pas toutefois la faute de la Bretagne, qui restera, malgré tout, pour l’observateur, une des plus curieuses et des plus originales provinces de la France. Entre les peintures plus fidèles et vraiment frappantes de cette civilisation à part, tout le monde a depuis long-temps distingué les Derniers Bretons[1] de M. Émile Souvestre. Ce livre, dont les meilleures parties ont été insérées autrefois dans la Revue et ne sont pas oubliées de nos lecteurs, reparaît aujourd’hui avec des additions curieuses sur une poésie populaire trop peu étudiée et sur des mœurs si inconnues, quoique si souvent décrites. M. Émile Souvestre a beaucoup corrigé et corrigé avec bonheur : ce zèle, trop rare et appliqué ici à une œuvre vraiment littéraire, mérite d’être noté et ne peut qu’ajouter au légitime succès d’un livre déjà accueilli avec faveur.


— On sait qu’il paraît à Naples, depuis long-temps déjà, un recueil qui a pour titre : le Progrès des Sciences, des Lettres et des Arts, et dont la publication atteste chez les Napolitains un goût prononcé pour les études sérieuses. Les plus hautes questions d’économie politique, de législation, de philosophie, d’histoire, y sont traitées avec soin et quelquefois avec bonheur. Un ancien officier, M. Luigi Blanch, est un des premiers collaborateurs de ce recueil, et y publie principalement de nombreux articles sur une matière toute spéciale, l’histoire de la science militaire. Tous les journaux militaires de l’Europe ont rendu compte avec éloge, il y a quelques années, d’un volume publié par M. Luigi Blanch sur ce sujet, et qui n’était autre chose que la réunion d’une série d’articles extraits du Progrès. La seconde édition de ce volume vient de paraître à Naples. La pensée première de cet ouvrage est parfaitement exprimée par ces mots de M. Cousin dans une de ses éloquentes leçons de 1828 : « Donnez-moi l’état militaire d’un peuple, sa manière de faire la guerre, et je me charge de retrouver tous les autres élémens de son histoire. Vous avez tous lu Thucydide : voyez la manière de combattre des Athéniens et des Lacédémoniens ; Athènes et Sparte sont là tout entières. » Partant de ce principe, l’écrivain napolitain s’attache à raconter les différentes variations de l’art de la guerre, depuis les anciens jusqu’à nos jours, en les rattachant aux changemens opérés dans l’état social des peuples et dans l’ensemble des connaissances de l’esprit humain. C’est la philosophie

  1. Édition compacte en un vol. in-18, chez Coquebert, rue Jacob.