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Ne songeant qu’à l’occupation militaire, les Turcs ont élevé à peu de distance de Varna une citadelle immense, Choumla, qui est leur boulevard contre la Russie, et leur principale place d’armes en Europe. On y compte 60,000 habitans. La longue côte du Dobroudja, qui fournit à la Bulgarie des marins et des constructeurs habiles, se complète par le littoral du Danube, dont les villes, autrefois florissantes, comme Silistrie, Rouchtchouk, Nikopoli, ne sont pas encore entièrement déchues. Mais la capitale de cette province, Vidin, est, comme Choumla, peuplée en majorité de musulmans. Pleine d’immondices et de misère, elle renferme 20,000 habitans qui languissent au pied d’une citadelle restaurée à la moderne, et dont la position, bien plus que l’artillerie, commande le cours du Danube. Vidin a hérité de Ternovo, ville de 10,000 ames cachée dans les montagnes, où résidèrent les derniers rois, et où réside encore le métropolite suprême de la nation.

Les provinces moitié grecques et moitié bulgares de la Zagora et de la Macédoine, situées au-delà des Balkans, jouissent d’une température tellement chaude, qu’on y trouve tous les produits de la Grèce. Ainsi la Bulgarie danubienne, où se développe dans toute sa variété la culture septentrionale, se complète par celle du sud, où mûrit l’olive. La Macédoine orientale, arrosée par le Strouma, qui se jette dans la mer Égée, a pour chef-lieu Sères, ville de fabriques, plutôt grecque que slave, mais qu’entourent des campagnes uniquement bulgares. Une autre cité, moitié grecque et moitié bulgare, Philippopoli sur la Maritsa, peuplée de 40,000 habitans que font vivre les manufactures de laine et le commerce de transit, très actif sur ce point entre la Méditerranée et le Danube, marque le centre du pays de la Zagora. Cette dernière province bulgare s’agrandit tous les jours par ses colonies agricoles, qui empiètent sur les déserts turcs de la Thrace, et par ses migrations d’ouvriers, qui s’entassent dans les places manufacturières des Ottomans.

Ainsi la Bulgarie confine à la mer Noire et à la Méditerranée ; d’un côté, par Varna, elle pourrait recevoir directement de Trebizonde les produits de la Perse et de la Caspienne ; de l’autre, par Orfano ou Salonik, elle pourrait expédier à la Grèce et à l’Europe ces mêmes produits asiatiques, joints à ceux du Balkan, et recevoir en échange les produits européens. Mais, privés de toute organisation tant commerciale que civile, les producteurs bulgares sont réduits ou à consommer eux-mêmes ou à vendre à vil prix leurs denrées aux monopoleurs autrichiens et à la société des bateaux à vapeur du Danube.