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POETÆ MINORES.

il n’y a d’autre objection générale à faire à l’auteur, sinon de répéter encore, sinon de répéter toujours, que l’inspiration est totalement absente de son livre. Vous n’avez même plus là, comme le disait M. Raynouard, avec son accent provençal, ce coup de fouet qui retentissait encore quelquefois dans Lazare. Aujourd’hui, avec M. Barbier, on traverse vraiment les limbes poétiques ; c’est toujours le même site morne, le même horizon noyé. À peine dans deux ou trois sonnets comme ceux de Doriat et de Santa Rosa, reparaît-il quelque rare éclat, quelque vague souvenir du Pianto. Le lecteur, du reste, ne serait pas convaincu de la triste déchéance d’un talent poétique qui donnait de si brillantes promesses, qu’une remarque de détail, une remarque caractéristique, suffirait à transformer ses incertitudes en regrets. On est d’abord écrivain par les nuances ; or, les nuances se marquent surtout par le choix des qualificatifs. Eh bien ! il n’est pas de poète peut-être des plus mauvaises époques de notre littérature, qui ait usé, autant que le fait aujourd’hui M. Barbier, d’épithètes oiseuses et communes. Ce sont les fureurs barbares, les ouragans sombres, la balle rapide, l’onde frémissante, la guerre implacable, tout l’attirail enfin de la versification de collége.

Il est difficile d’expliquer comment, du sein d’une position indépendante, M. Barbier s’obstine à imposer à une muse à ce point fatiguée et affaiblie ces efforts sans résultats qu’aucune nécessité ne lui commande. Le premier devoir de tout écrivain, c’est le respect du public. Or, quand le public vient, à plusieurs reprises, de marquer si résolument son indifférence à l’auteur de Pot-de-Vin et des Chants civils, est-ce le vrai moyen de reconquérir son attention que de persister dans la même voie fatale, que de lui jeter dédaigneusement quelques sonnets grossis en volume à l’aide d’extraits informes de la Biographie Universelle et du Magasin Pittoresque ? On nous permettra de le dire, c’est au contraire appeler l’industrie au secours des défaillances de l’art. Nous n’hésitons pas à le déclarer, si le chantre des Iambes et du Pianto résiste plus long-temps aux avertissemens désintéressés de ceux-là même qui goûtaient naguère son talent, il n’aura été qu’un poète de hasard : l’avenir alors ne tiendra pour lui en réserve que l’isolement et l’impuissance.

Assurément, s’il y a un vœu sincère, c’est celui que nous formons de voir les faits démentir nos craintes, de voir les hommes tromper nos prévisions. Par malheur, plus d’un enseignement se peut déjà tirer de l’examen attentif des deux recueils poétiques qui jusqu’ici ont passé sous nos yeux. Voilà des écrivains de valeur sans doute, et de