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que la mort la trouve unie à Albert ; un autel est donc placé près du lit nuptial, et le mariage se trouve consommé. Quand la cérémonie est achevée, on s’imagine qu’Albert va rester près de sa femme mourante : pas le moins du monde. Albert juge à propos de faire une promenade ; seulement il promet de revenir le soir. Le soir arrive, le mari entre, et, à la lueur de la lampe, il découvre

Tant d’objets enchantés à son cœur idolâtre,
La robe, le corset, le bouquet d’oranger.

Toute cette scène nocturne est incroyable, et on se demande à quoi l’auteur a songé dans ce rapprochement de la poésie des sens et de la poésie ascétique, dans ce mélange bizarre de désirs humains et d’aspirations célestes que vient couronner la mort.

La moralité inattendue que M. Guiraud tire de tout ceci, dans ses méditations intermédiaires, dans ses notes justificatives, ainsi que dans son épilogue, c’est que la théocratie est le meilleur gouvernement, c’est qu’il faut être ultramontain pour être sauvé, c’est enfin qu’on doit réformer le Code pénal, réhabiliter la femme et surtout bannir l’égalité,

Vulgaire et dernier mot de ces pompeuses phrases.

Les deux figures féminines autour desquelles M. Guiraud a groupé les élémens secondaires de sa composition ne sauraient exciter à aucun titre la sympathie des lecteurs. Quelque faible cependant que soit la partie sentimentale du Cloître de Villemartin, il faut reconnaître que le ton y est un peu plus simple, le style un peu moins chargé, la marche enfin plus naturelle que dans les tirades socialistes et mystiques auxquelles M. Guiraud revient incessamment. On ne saurait s’imaginer l’effet singulier que produit le rapprochement de tant d’idées hétérogènes, de tant de sujets disparates. Tout est matière à versification pour M. Guiraud. Tantôt le cloître de Villemartin amène le cloître de Saint-Just, et alors, pendant dix pages, il n’est question que de Charles-Quint au regard fauve et terne, que de ce maître du monde finissant par abdiquer le sceptre,

Lui qui n’avait rempli que de mondanités
Le cours impérial de ses prospérités ;

tantôt c’est une incroyable sortie contre la culture antique, contre cette belle littérature latine surtout, qui n’aurait été, en somme, qu’un prurit fiévreux. L’art païen tout entier est compris dans l’anathème, et M. Guiraud s’écrie :