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LE MOIS DE MAI À LONDRES.

seul, par exemple, peut prononcer un divorce, car le divorce est une exception aux lois, et le parlement est seul investi du droit de faire de telles exceptions, par le moyen de ce qu’on appelle une loi privée, private bill. Le nombre de ces bills privés est considérable en Angleterre. En France, nous n’avons, je crois, que les lettres de grande naturalisation qui aient le caractère de bills privés.

Pour achever cette revue du mois de mai à Londres, il faudrait maintenant raconter quelques promenades dans les environs. Mais qui ne connaît, de réputation au moins, Richmond et Greenwich, Hamptoncourt et Windsor ? Qui n’a entendu parler des gracieux aspects que présente la Tamise à quelques lieues au-dessus de Londres, quand ce fleuve superbe, qui va tout à l’heure porter des milliers de navires, n’est encore qu’une jolie rivière peuplée de cygnes, et dont les eaux claires serpentent sous les plus beaux ombrages du monde ? Qui ne sait quels sont les charmes de cette campagne, ou tout est soigné comme dans un parc, et où la richesse printanière des arbres et des haies, véritables prodiges de végétation, fait comprendre pourquoi l’Angleterre est la patrie de la poésie descriptive ? Qui ne connaît les salles de Holbein a Hamptoncourt, et celles de Van-Dyck à Windsor, ces deux châteaux royaux, dont l’un est si plein du souvenir terrible de Henri VIII, et l’autre de la mélancolique mémoire de Charles Ier ? Qui n’a admiré la position de l’hôpital de Greenwich, au bord de son fleuve, avec cette noble architecture d’Inigo Jones, qui en fait le plus beau monument de l’Angleterre assurément ? Les habitans de Londres vont prendre l’air à Greewich, à Richmond ou à Windsor, comme les bourgeois de Paris vont à Saint-Cloud, à Versailles et à Saint Germain. L’habitude d’y aller le dimanche commence même à se répandre parmi le peuple, malgré les réclamations des dévots.

Le mois de mai se termine par les courses d’Epsom. C’est le 31 qu’a lieu, tous les ans, la course du Derby, le plus grand évènement de l’année en Angleterre. Aucune séance du parlement n’excite la moitié de l’intérêt qui s’attache au Derby. Dès le matin, la route de Londres à Epsom est encombrée de voitures et de cavaliers. Sur une longueur d’environ six lieues de France, c’est une file aussi serrée que dans les rues les plus fréquentées de Londres, à l’heure la plus active de la journée. Soixante ou quatre-vingt mille curieux arrivent ainsi sur l’immense plateau où doit se faire la course. Un ordre admirable s’établit comme de soi-même dans cette multitude. Des