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LE MOIS DE MAI À LONDRES.

les bancs, à droite du speaker, siégent les ministres et les membres du parti ministériel ; sur les bancs de gauche siége l’opposition. La table sépare les chefs des deux partis. D’un côté, voilà sir Robert Peel, lord Stanley, M. Goulburn, sir James Graham, M. Gladstone, tous les ministres députés ; de l’autre, lord John Russell, lord Palmerston, M. Labouchère, M. Baring, M. Macaulay, tous les anciens ministres whigs. La plupart des membres sont arrivés à la chambre à cheval et ont encore la cravache à la main. Tous gardent leur chapeau sur la tête pendant la séance. C’est un mouvement perpétuel d’entrées et de sorties, d’allées et de venues, un bruit de conversations particulières, bien autrement sans façon que chez nous. De petites tribunes sont disposées dans le haut pour le public ; mais, pourvu qu’ils soient accompagnés par un membre, les curieux peuvent entrer dans la chambre même et s’asseoir familièrement parmi les députés. On en est quitte pour sortir quand il y a un vote, c’est-à-dire une division.

La séance s’ouvre habituellement à quatre heures. Elle commence par des remises de pétitions et des motions sans importance. La discussion ne s’engage véritablement qu’entre cinq et six. Vers sept heures, les trois quarts des membres sortent pour aller dîner, puis on revient, et la séance se prolonge assez ordinairement jusqu’à onze heures ou minuit. Les formes de la discussion sont très simples. Chacun parle de sa place et sans demander la parole. Toutes les formalités qu’on a jugées nécessaires en France, pour maintenir l’ordre, n’existent pas. Chacun peut faire séance tenante, autant de motions qu’il lui plaît, et adresser aux ministres des interpellations sur quoi que ce soit. Les ministres peuvent, à leur gré, ou refuser péremptoirement de répondre, ou répondre immédiatement, ou prendre un délai. Je ne suis pas de ceux qui regrettent que nos chambres n’aient pas adopté la disposition matérielle des chambres anglaises. Cette nécessité de se couper en deux partis bien distincts, qui siégent sur des bancs opposés, n’est pas conciliable avec notre état social, et commence à ne plus l’être avec l’état social d’Angleterre. Ce n’est pas au moment où le besoin des partis intermédiaires se fait jour chez nos voisins, que nous devrions renoncer à ce qui les facilite. Je ne crois pas non plus que l’habitude de parler de sa place soit bonne à transporter chez nous, elle pourrait amener de la confusion ; mais, sous tous les autres rapports, nous n’aurions qu’à gagner à adopter les formes expéditives du parlement anglais ; elles sont autrement vives et naturelles que les nôtres.