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sur eux ses reflets, mais la lumière du feu est bien différente de celle du jour, et cette différence n’est pas observée. En général, les peintres anglais ont besoin de se prémunir beaucoup contre les écarts dans la distribution de la lumière ; si grand que soit un effet, il faut avant tout qu’il soit possible. Le tableau de M. Poole me paraît le plus remarquable des trois ; il y a là l’annonce d’un véritable talent. Le sujet est terrible ; c’est un fanatique à peu près nu parcourant les rues de Londres pendant la peste de 1665, et exhortant le peuple à la pénitence. L’exécution et la composition sont pleines d’une sombre énergie. Enfin, au nombre des nouveaux exposans, il en est un que je ne puis oublier, : c’est le comte d’Orsay, notre brillant et spirituel compatriote, qui ne se contente pas d’être le roi de la mode à Londres, et qui est encore un artiste applaudi.

Sir William Allan a exposé un tableau qui a naturellement un grand succès ; il est ainsi désigné sur le livret : Waterloo, 18 juin 1815, sept heures et demie du soir. C’est une bataille dans le genre de Bellangé. Le moment choisi, dit toujours le livret, est celui où Napoléon tente un dernier effort pour tourner la gauche de l’armée alliée. Le centre du tableau est occupé par une colonne de la garde impériale, qui marche à l’attaque sous les ordres du maréchal Ney ; cette colonne est foudroyée de front par une batterie et attaquée en même temps à droite et à gauche par deux brigades de l’armée anglaise. Sur le devant du tableau est l’empereur avec son état-major ; le duc de Wellington paraît à peine dans le fond, sur une position défendue de toutes parts par l’artillerie. Je cite cette composition parce qu’elle me paraît caractéristique. En France, quand nous représentons une victoire, nous mettons le général français sur le premier plan, s’exposant bravement à tous les dangers, et nous nous gardons bien de montrer les troupes françaises attaquant l’ennemi au nombre de trois contre un. En Angleterre, on entend autrement la fierté nationale, et on a raison : on grossit l’obstacle pour élever le succès. Plus il a fallu d’efforts pour réduire la garde impériale, plus il a été beau d’y réussir ; plus le vaincu est grand, plus le vainqueur le sera. C’est le même sentiment qui a fait faire une réception si brillante et si populaire au maréchal Soult. Le duc de Wellington ne s’y est pas trompé ; il a acheté le tableau. À sa place, un général français se serait cru presque insulté.

J’ai remarqué une autre toile qui n’a certes que bien peu de mérite comme œuvre d’art, mais qui est curieuse aussi comme souvenir historique. C’est une soirée chez sir Joshua Reynolds ; là sont