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des usines de Southwark. Le nuage noir et humide qui ne peut pas se dissiper dans les airs, se rabat alors sur la ville, et la couvre comme d’un voile de deuil. De pareils jours font comprendre le spleen et toutes ses conséquences fatales. On dit que le soleil de mai triomphe ordinairement de ces horribles vapeurs ; j’aime à le croire.

Il paraît que la saison n’a pas été aussi brillante cette année qu’elle l’est généralement. On en donne plusieurs raisons, d’abord la mort du duc de Sussex, qui a mis la cour en deuil ; puis l’accouchement de la reine, qui a fait suspendre les réceptions du palais, et enfin, mais ce dernier motif ne s’indique qu’à voix basse, quoiqu’il soit peut-être le meilleur, l’income-tax, dont l’effet se fait sentir jusque dans les plus grandes fortunes d’Angleterre. Malgré cette observation, qui paraît vraie, il y a eu pendant le mois de mai beaucoup de réunions. Les journaux, qui rendent compte en Angleterre de tout ce qui se passe dans ce qu’on appelle, la haute vie, high life, ont eu tous les jours à enregistrer ou un grand dîner, ou une fête champêtre, ou un raout, ou même un bal. L’ambassadeur de France a donné, entre autres, un grand concert qui a réuni tout ce que Londres renferme de femmes élégantes et de personnages éminens. Deux princes étrangers, le prince héréditaire de Wurtemberg et le prince héréditaire de Mecklembourg-Strelitz, futur époux de la princesse Augusta de Cambridge, qui sont à Londres en ce moment, ont été naturellement les héros de ces fêtes. Tout récemment enfin, le baptême de la nouvelle fille de la reine est venu donner une nouvelle impulsion aux plaisirs du monde ; la reine a reparu au palais de Buckingham, le roi de Hanovre est arrivé, et tout annonce que la fin de la saison sera plus animée que le commencement. Il avait été question un moment que la reine passât l’été à la campagne, mais les réclamations du commerce de Londres ont fait, dit-on, abandonner ce projet. On voit qu’à Londres, comme à Paris, il y a de ces exigences de boutique dont on peut parler avec dédain, mais que tout le monde est forcé de respecter.

Du reste, on a bien besoin du mouvement des salons pour s’amuser un peu. Les théâtres, qui pourraient seuls suppléer au monde, sont dans une situation déplorable. Nous, qui nous plaignons, nous avons encore la première littérature dramatique du monde. Des deux grands théâtres nationaux anglais, l’un est fermé, c’est Covent-Garden ; l’autre, Drury-Lane, ne se soutient qu’avec peine, malgré la direction intelligente de Macready. Le théâtre de Haymarket ne