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LE MOIS DE MAI À LONDRES.

nisées à Paris, mais l’institution est bien loin d’être chez nous ce qu’elle est devenue à Londres, où elle est un produit naturel du sol, des idées, des mœurs et des habitudes. Un club est une réunion de mille ou douze cents souscripteurs qui se cotisent pour élever un palais magnifique et y vivre en commun avec toutes les jouissances du luxe le plus raffiné, sans dépenser trop d’argent. Tout membre d’un club peut n’avoir en dehors qu’une modeste chambre à coucher ; il trouve tout le reste à l’établissement commun : salles de lecture avec tous les journaux et toutes les revues, bibliothèque avec les livres nouveaux et un bon choix de livres anciens, salons et cabinets avec tout ce qu’il faut pour écrire, réfectoire où l’on peut prendre ses repas à toutes les heures du jour et à peu près au prix coûtant, jusqu’à des salles de bain et des cabinets de toilette, le tout, bien chauffé, bien éclairé, et rempli de laquais en grande livrée attentifs au moindre signe. Plusieurs de ces clubs sont de véritables monumens ; les plus beaux sont dans Pall-Mall, comme l’Athenaum, le Reform-Club, le Traveller’s-Club, qui ont été élevés à grands frais par les premiers architectes de Londres. Il y en a en tout une vingtaine environ, et comme une même personne est quelquefois de plusieurs clubs à la fois, on peut évaluer à douze ou quinze mille le nombre de ceux qui ont adopté cette manière de vivre.

Ce chiffre comprend la plus grande partie de la population flottante de Londres. Le reste est composé d’étrangers proprement dits, qui sont toujours très peu nombreux dans la capitale de l’Angleterre. C’est ce qui explique le peu de ressources qu’offre cette grande ville à ceux qui n’en sont pas, même dans le temps de ce qu’on appelle la saison. Les Anglais tiennent par-dessus tout à ne pas se confondre avec des gens qu’ils ne connaissent pas, et qui peuvent leur être inférieurs par le rang, l’éducation ou le caractère. De là cet air inhospitalier qui frappe à Londres tout d’abord. En revanche, quand la première glace est rompue, quand les rapports sont établis d’homme à homme et qu’on ne craint plus de se compromettre avec vous, les Anglais sont les plus affables et les plus hospitaliers des hommes. Toute la question est de franchir cette porte si soigneusement fermée. Dès qu’on est admis dans l’intérieur, tout est dit. Voilà pourquoi ceux qui passent quelque temps en Angleterre, vivant de la vie anglaise, s’y plaisent généralement beaucoup. Mais la première apparence est effrayante, surtout quand on arrive à Londres par un de ces jours où le ciel bas et chargé comprime les brouillards de la Tamise et la fumée de charbon qui s’échappe incessamment