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pour qui n’a ni voiture ni cheval, la vie de Londres n’est pas arrangée pour lui. On dîne généralement à sept heures et demie, et le reste de la soirée est à peine suffisant pour les réunions et les bals. Quand on est entré dans ce genre de vie, on trouve qu’il a bien ses agrémens, il est d’ailleurs assez généralement adopté à Paris pour l’hiver ; mais ce qui dépayse à Londres, c’est de le voir usité au printemps, c’est-à-dire à l’époque où il finit ici. Puis à Paris, à l’heure où les salons sont pleins, il reste toujours assez de foule inoccupée et curieuse pour peupler les lieux publics et les spectacles ; à Londres, quiconque ne va pas dans le monde se renferme hermétiquement dans son intérieur.

On a fait souvent la description d’une maison anglaise. Un étage souterrain pour les cuisines, un rez-de-chaussée contenant une salle à manger et un parloir, un premier étage avec deux salons, l’un grand et l’autre petit, un second étage avec les chambres à coucher, un troisième sous le toit pour les enfans et les domestiques ; deux fenêtres par étage, trois au plus, donnant sur la rue ; une grille au dehors, défendant l’approche de la maison et entourant le fossé qui donne du jour aux cuisines ; une petite porte s’ouvrant sur le trottoir et portant le plus souvent le nom du propriétaire sur une plaque de cuivre au-dessus du marteau : voilà le modèle unique, universel. Il y a peut-être cent mille maisons à Londres dans ce genre, et des millions dans toute la Grande-Bretagne. L’extérieur de ces habitations est très laid ; elles sont bâties en briques d’un ton jaunâtre et faux qui ne tardent pas à devenir complètement noires. La porte et les fenêtres sont découpées dans le mur, sans aucun ornement d’architecture. En revanche, l’intérieur est charmant. Tout y est parfaitement propre, élégant et commode. Chaque pièce a un tapis ; l’escalier lui-même en a un, dans les maisons les plus bourgeoises. L’ameublement est comme la maison ; il est le même à peu près partout, sauf la différence des fortunes. Partout les mêmes tables, les mêmes siéges, rangés dans le même ordre ; il n’y manque que des glaces. Cet ornement indispensable de nos demeures françaises est fort rare en Angleterre. Si jamais les deux pays se rapprochent par un traité de commerce, les glaces devront être pour nous un objet d’exportation considérable.

C’est là que tout bon Anglais se retire tant qu’il peut, pour jouir en paix du comfort selon ses goûts, avec sa femme et ses enfans. Ceux qui n’ont pas encore de ménage ont les clubs. On sait ce que c’est qu’un club anglais ; quelques sociétés de ce genre se sont orga-