Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/929

Cette page a été validée par deux contributeurs.
923
LES SOCIN ET LE SOCINIANISME.

emprisonnement au savant qui l’avait entreprise, Jean Érasme, recteur d’Anvers. La seconde eut pour chef un célèbre jurisconsulte de Malines, Corneille Daems, qu’un édit expulsa de la confédération. On sévit avec plus de rigueur contre Ostorode et Vaidove, deux Polonais qui, au commencement du xviie siècle, reprirent l’œuvre si violemment interrompue d’Érasme et de Corneille Daems ; ils furent condamnés à la peine du feu, laquelle, si l’on s’en rapporte à Przipcow, fut commuée en un bannissement perpétuel. Les états avaient compris dans la sentence tous les livres ou manuscrits de Socin que l’on put rassembler de l’un à l’autre bout des Provinces. L’université de Leyde, à l’examen de laquelle on avait soumis ces manuscrits et ces livres, déclara que le second Socin devait être considéré comme un fauteur du mahométisme. Vingt ans plus tard, la persécution fléchissait enfin : Adolphe Venator, ministre d’Alcmaer, hautement convaincu d’enseigner le pur socinianisme, fut tout simplement relégué dans une île de l’Escaut. Le jour même où fut condamné Venator, le 4 août 1618, une lutte décisive éclata entre les idées de Pologne et les idées de Genève, représentées et soutenues, les premières par Arminius, qui donna son nom à sa secte, les secondes par François Gomar, un des plus rudes et des plus déterminés champions qui, dans les querelles de cette époque, aient porté la bannière de Calvin : lutte à jamais mémorable, qui a pris place, dans l’histoire politique de Hollande, par les crimes de la maison d’Orange et par l’assassinat juridique du grand-pensionnaire ; dans l’histoire des polémiques littéraires et philosophiques, par les plus beaux livres de Grotius, qui se rangea sous le drapeau d’Arminius et de Socin. C’est le fameux Épiscopius, le chef de l’arminianisme après le fondateur de la secte, qui adopta les idées de Socin au sujet de l’unité divine. Le débat n’avait porté jusque-là entre Arminius et Gomar que sur la grace et la liberté de l’esprit.

Tout le monde connaît le dénouement de ce drame si long et si lugubre. Immédiatement après la mort du prince Maurice, qui avait dressé l’échafaud de Barneveld, les états-généraux, excédés des troubles et des convulsions qui pendant dix ans avaient ensanglanté la Hollande, ordonnèrent expressément aux deux partis, sinon de se réconcilier et de s’entendre, du moins de poser les armes et de se tolérer. Les vieux ennemis de Faustus, qui formaient le synode calviniste d’Amsterdam, essayèrent en vain, à l’aide de certaines distinctions théologiques, de consommer la perte de ceux de ses disciples qui s’obstinaient à porter le nom si long-temps maudit de sociniens. Les états-généraux étendirent à ces derniers tous les bénéfices de l’édit de pacification. En 1658, précisément à l’époque où la diète de Varsovie étouffa le socinianisme en Pologne, le synode d’Amsterdam eut un nouvel accès d’intolérance ; il accusa formellement les états de faire en pleine Europe, des provinces de Hollande, par leur indulgence pour les fugitifs de Pologne, un objet d’horreur et d’infection. Étourdis par la violence de ces récriminations et de ces plaintes, les états-généraux, après avoir consulté l’université