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LES SOCIN ET LE SOCINIANISME.

réformés. La Pologne entière s’ouvrit bientôt, jusqu’au fond de ses provinces les plus reculées, à toutes les opinions, à toutes les sectes ; bientôt en vertu même des édits royaux et des Pacta conventa[1], hussites, luthériens, sacramentaires, calvinistes, sociniens, etc., y trouvèrent un sûr refuge : en accueillant, au siècle où nous sommes, ses malheureux proscrits politiques, les contrées méridionales et occidentales de l’Europe ont tout simplement rendu l’hospitalité qu’elle a si généreusement accordée, durant le xvie siècle, à des proscrits plus malheureux encore, à ceux de nos pères vaincus dans les luttes de religion.

Parmi les sectaires réfugiés en Pologne, les derniers survenans furent les sociniens ; ce furent aussi les seuls qui éprouvèrent de graves difficultés à y fonder leurs églises et leurs colléges, car, en leur qualité de nouveau-venus, ils avaient nécessairement à combattre tout à la fois les répugnances des catholiques et celles des protestans. Ces répugnances, à l’arrivée de Faustus, se manifestèrent avec une telle violence, qu’au premier aspect elles durent paraître invincibles. Un an ne s’était point écoulé, que Faustus les avait surmontées. L’éclat de son nom, sa réputation, ses manières, séduisirent plusieurs gentilshommes des plus considérables du royaume, qui embrassèrent sa doctrine et prirent ouvertement son parti. Cette alliance avec la noblesse, il la rendit plus étroite, et la cimenta par son mariage avec la fille d’un palatin, Élisabeth de Morstein. S’il faut en croire ses panégyristes, qui sur ce point ne sont pas contredits par ses ennemis, le xvie siècle n’avait pas offert jusque-là dans un gentilhomme, dans un savant surtout, un tel assemblage de vertus et de qualités. À son arrivée en Pologne, ce pays était rempli de petites écoles que leurs principes devaient infailliblement conduire à la négation absolue de la trinité chrétienne, mais qui, faute d’avoir trouvé une formule bien nette et bien éprouvée déjà dans les discussions de leur temps, dépérissaient à vue d’œil dans la désunion et l’anarchie. Faustus Socin leur donna cette formule, si péniblement élaborée trente ans auparavant, dans les délibérations de Vicence ; il fixa leurs irrésolutions, il les rallia, les disciplina, se mit à leur tête : l’église socinienne était fondée, l’église socinienne, la plus forte, la plus érudite, la plus déterminée à l’attaque et à la résistance, la mieux exercée aux luttes et aux querelles théologiques, qui se soit élevée dans le nord de l’Europe, et qui, pendant les vingt dernières années du xvie siècle, parvint à un degré inoui de gloire et de prospérité.

Faustus avait pour métropole la ville de Racovie, dans la petite Pologne, où il tenait régulièrement des conférences et des synodes. Il y créa un collége pour la jeune noblesse de sa secte, et, au centre même du collége, une imprimerie à l’aide de laquelle il répandait à profusion dans le royaume ses livres, ses commentaires, ses exhortations. Doué d’une énergie à l’épreuve

  1. C’est ainsi que se nommaient les résolutions des diètes polonaises, qui devaient toujours se prendre à l’unanimité des suffrages. Ceci explique l’énorme influence exercée par la minorité luthérienne dans les délibérations de ces assemblées.