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UN HOMME SÉRIEUX.

sitant, je n’aurais pas osé me permettre… mais je serais trop heureux… si l’amitié que vous aviez pour mon père…

— M’engageait à essayer de lever les obstacles qui vous empêchent d’épouser ma nièce : n’est-ce pas là ce que vous voulez dire ? interrompit M. de Pontailly, qui arrêta brusquement sur le vicomte ses petits yeux pétillans de malice.

À cette attaque imprévue, Moréal resta muet un instant et faillit perdre contenance.

— Monsieur le marquis, balbutia-t-il enfin, croyez…

— Allons, jeune homme, dit le vieillard en riant avec bonhomie, remettez-vous, et ne rougissez pas comme une demoiselle. Vous aimez ma nièce et vous désirez l’épouser, il n’y a pas grand mal à cela, et puisque vous êtes le fils d’un de mes meilleurs amis, je ne demande pas mieux que de vous aider de tout mon pouvoir ; à la vérité, il n’est pas très grand.

— Quoi ! monsieur, vous seriez assez bon ?… je pourrais espérer ?…

— Espérez, mon cher vicomte, mais modérez vos transports. En gesticulant, vous avez failli renverser cette boîte, et, si elle était cassée, je ne sais pas si je me rappellerais assez mon ancien métier pour pouvoir la raccommoder.

— Mais comment avez-vous appris ?…

— Rien de plus simple. Vous avez demandé ma nièce en mariage il y a deux mois. Mon beau-frère, flatté de cette démarche, quoiqu’il y ait répondu par un refus, en a fait part à Mme de Pontailly, par qui je l’ai apprise. La coïncidence de votre lettre et de l’arrivée de ma nièce à Paris m’a fait comprendre que vous ne renonciez pas à la partie, et que vous aviez fort envie d’être admis dans une maison où doit demeurer pendant quelque temps l’objet de votre flamme. Mon coffret devait vous servir de lettre de recommandation. Ai-je deviné ?

— Je suis forcé d’en convenir, dit Moréal en souriant.

— Cela étant, je vous répète que je suis disposé à vous servir pour trois raisons : la première, c’est que j’ai vécu fraternellement avec votre père ; la seconde, c’est que vous me paraissez un brave, aimable et loyal garçon, qui me conviendrait fort pour neveu ; la troisième, c’est que je ne serais pas fâché de déjouer les plans d’une espèce de cuistre dont mon beau-frère est coiffé et Mme de Pontailly aussi, et qu’il est question de donner pour mari à Henriette.

M. Dornier ?

— Lui-même ; nous en parlerons plus tard. Pour le moment, permettez-moi quelques questions indispensables. Je connais votre fa-